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l’Université de Copenhague[1] partageait l’opinion de ses confrères : « Nous avons fait dans nos codes une distinction entre la tentative et le crime consommé, entre le complice et l’auteur principal. Mais pour nous, ce sera renouveler tout notre droit pénal que d’écarter toutes ces distinctions. Je crois que nous serons tous d’accord pour regarder une telle mesure comme un vrai progrès ; et cela aura encore d’autres conséquences, et notamment l’idée que c’est l’acte délibéré, non l’effet matériel qu’il faut punir, conduira, en beaucoup de cas, à une définition nouvelle des crimes consommés. »

Devant cet ensemble de manifestations, les novateurs les plus résolus durent se résigner à faire, eux aussi, l’éloge de notre code pénal de 1810. On n’en saisira pas moins là un des nombreux inconvéniens de notre méthode de travail parlementaire. On croit faire du nouveau, mais on le fait avec tant de lenteur et... d’incohérence (puisque c’est le mot caractéristique du régime) que ce nouveau a déjà vieilli quand on en est encore, non pas même à l’essayer, mais à en préparer le premier essai. On se croit obligé de reproduire les expériences de l’étranger, quand ces expériences lui ont enfin révélé les défectuosités qui font qu’il y renonce. Nous sacrifions de nos propres mains les idées qui nous faisaient le plus d’honneur, au moment où nos rivaux ont la sagesse de nous les emprunter, quelques-uns la sagesse plus rare encore de les conserver et de les développer.


Il faut avouer cependant que le réformateur mêlé au mouvement des idées et curieux des théories modernes était assez excusable, en France comme ailleurs, de mal réussir à s’orienter et à demeurer ferme dans la voie droite. Cette question du crime et du criminel n’était sans nul doute que la traduction, en langage de criminaliste, de la vieille controverse métaphysique du subjectif et de l’objectif, du corps et de l’âme, de la nécessité et de la liberté, comme aussi de la société et de l’individu. Si nous sommes tous pris dans un engrenage auquel nous ne pouvons donner ni impulsion ni direction, dont nous ne pouvons pas même nous détourner, comme l’admettaient les épicuriens de l’antiquité, si nul d’entre nous n’est ni libre ni responsable ou si, ce qui revient au même, la liberté de nos intentions idéales ne

  1. Le professeur von Mayr, de Munich, également.