Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corriger, on substitue, cette fois, une injustice voulue, bâtie de toutes pièces pour le plaisir de l’esprit de représailles et la satisfaction des appétits.

Ne croyons pas que ce soient là des rêves irréalisables ! Si le projet du code pénal de Mannheim n’a pas encore beaucoup de chances d’être voté par un parlement à majorité collectiviste, il pourrait bien être réalisé peu à peu par des « amendemens » successifs arrachés à l’incohérence des uns et à la complicité intéressée des autres. En 1905, malgré l’opposition des membres français, le congrès pénitentiaire international de Budapest se laissait aller à voter le vœu suivant : « Que l’amende soit proportionnée à la fortune des condamnés et que, pour permettre au juge de statuer, l’information porte sur l’état de fortune desdits condamnés. »

Sur quoi l’un de nos magistrats de l’ordre le plus élevé disait avec raison, quelques mois plus tard, dans une des sociétés savantes de Paris : « Est-il rien de plus vague, de plus incertain, de plus variable que la fortune du condamné ? A quelles investigations le juge devra-t-il procéder, quelle base devra-t-il prendre pour déterminer la consistance d’une fortune ? Quelle proportion sera adoptée pour la peine à prononcer ? Si la peine est peu élevée, le résultat sera illusoire ; si elle est élevée, l’amende revêtira le caractère d’une confiscation partielle. Puis, pourquoi cette proportionnalité pour la peine d’amende seulement et non pour la peine d’emprisonnement ? » Cette protestation est on ne peut plus sensée. Mais la doctrine pénale contre laquelle s’élève ici le distingué magistrat est la même que celle qui inspire tant de projets d’impôt progressif et inquisitorial sur le revenu ; elle tend, elle doit aboutir graduellement au même résultat. Quant à la question : « pourquoi pas proportionner aussi la durée de l’emprisonnement à la fortune ? » prenons-y garde ! Certains pourraient bien répondre un jour : « Mais, en effet, pourquoi pas ? » Et ce ne serait assurément pas sans quelque logique : « Est-ce que, diraient les réformateurs, celui dont la femme et les enfans gardent de quoi vivre ne peut pas supporter plus longtemps que le pauvre diable une incarcération prolongée ? »

En résumé, à la base des pénalités destinées à défendre l’ordre public, on avait mis successivement la défense de l’unité religieuse, la défense de l’unité de l’Etat, la défense de la nation, la défense des droits acquis et de la propriété : ce qu’on veut y