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la nation ni la patrie, ce n’est même plus l’ensemble de ceux qui sont parvenus, par leur intelligence et leur travail, à un état supérieur de culture et d’instruction pour le bien de tous, affirment-ils : non, c’est la classe ouvrière. Cette classe soutient, il est vrai, qu’elle sera demain toute la nation ; et son assertion paraîtra spécieuse, puisqu’elle se propose de supprimer tous les propriétaires et de réduire tous les avantages sociaux aux résultats immédiats du travail proprement dit, du travail présent. Mais cette fusion de toutes les classes dans la seule classe ouvrière est encore bien utopique. En attendant qu’elle se fasse, c’est bien une classe distincte et séparée, c’est une classe vivant sur le pied de guerre qui aspire à la domination, même dans l’ordre d’idées qui nous occupe en ce moment, c’est-à-dire en droit criminel. N’est-ce pas pour mieux accuser l’originalité de ses idées, pour mieux se maintenir en état de séparation armée qu’en plus d’un pays, — dont le nôtre, — elle rêve de substituer à l’unité de chaque patrie l’unité des groupes ouvriers de toute nation, ralliés, par delà les frontières, pour la défense commune de leurs intérêts spéciaux ?

Dans leur projet de code pénal, les socialistes allemands, — il faut être juste, — ne se sont pas étroitement confinés dans les idées de secte et de parti. On trouve dans leur travail des vues d’une portée plus générale. Ils réclament pour leur pays plus d’une réforme que la France a déjà réalisée, telles que la loi de sursis et le droit à l’assistance d’un avocat au cours de l’instruction. On a même remarqué qu’ils étaient, sur certains points, plus timides ou plus conservateurs que nous, arrêtant, par exemple, à seize ans les mesures de clémence que le législateur français permet jusqu’à dix-huit ans. Il n’en est pas moins vrai que l’ensemble du programme est bien imprégné de cette conception, que c’est en vue des classes ouvrières et du prolétariat qu’il faut enfin renouveler le code pénal.

Dira-t-on qu’ils se contentent de concessions raisonnables, puisqu’ils demandent simplement l’atténuation de la pénalité pour tous les délits contre la propriété et « la punition en qualité de contravention seulement de la soustraction des objets nécessaires à l’existence, ainsi que du matériel de travail d’une valeur plus considérable ? » D’autres penseront que c’est là tout au moins un pas en avant du côté de la socialisation imposée des objets de consommation et des instrumens de production. Mais