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Quels mots seront assez fluides, quels accens
Assez purs pour bercer de leur musique exquise
Votre pitié que tant de douleurs ont conquise
Et qui frôle nos deuils de soupirs caressans ?

Dans de molles senteurs de verveine et de rose,
Quels accords chastement mélodieux pourront
Dire toute la grâce inscrite à votre front
Et toute l’innocence en vos regards enclose ?

Quel Dante traduira, las de l’exil amer,
La mystique ferveur, la vertu rédemptrice
Qui vous font ressembler à quelque Béatrice,
Au même ciel où vous respirez le même air ?

Hélas ! le rêve tremble, et la prière hésite
Devant la cime où votre extase s’envola.
C’est pourquoi, ne pouvant atteindre jusque-là,
Mon âme impatiente attend votre visite.

Mais vous restez lointaine inaccessiblement ;
Comme un astre discret vous brillez sans descendre ;
Car nous ne touchons rien qui ne devienne cendre.
Et tout en nous jusqu’au désespoir trompe et ment.

Là-haut du moins ouvrant vos ailes toutes grandes,
Glorieuse et pareille aux lys immaculés,
Des chimères les plus splendides vous peuplez
L’ombre immémoriale où naissent les légendes.

Et, les yeux attendris par notre sort obscur,
Que hante l’inconnu des choses adorables,
Vous versez par instans à nos soifs misérables
Une goutte puisée aux sources de l’azur.