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donner une interprétation austère et neuve, dépouillée, délivrée de toute convention. Il a vu passer sur l’horizon, se détacher sur le ciel le Semeur, — le Bon Samaritain, — le Tailleur de vigne, — le Brûleur d’ivraie, — le Bon Pasteur. Son dessin simple au crayon noir, çà et là pâli de quelques taches de blanc ou réchauffé de crayon rouge, arrive à des effets surprenans. Chaque planche est un véritable tableau. Entre toutes, nos préférences, avec les quatre compositions pour le Bon Samaritain, vont à la Drachme perdue, — la Perle de grand prix, — l’Enfant prodigue, — les Dix Vierges, — la Maison bâtie sur la pierre, — le Pharisien et le Péager, — le Festin de Noces, dont les types sont empruntés, pour les femmes, à la Suisse, pour les hommes aux vignerons du pays de Vaud ou de la Provence : tous des êtres que nous avons côtoyés et connus, et qui expriment, sous le crayon du peintre suisse, autrement sans doute et moins hautement et pieusement qu’un Millet dans l’Angelus, mais toujours avec vérité, dans une note parfois un peu froide, tout ce qu’ont voulu signifier ces symboles.

Parmi les livres originaux consacrés à l’art, il faut mettre en première ligne Les Chefs-d’œuvre des grands maîtres[1], rare et unique collection d’admirables estampes, qui met à la portée de tous, sans préférence et sans exclusion à l’égard d’aucune époque et d’aucune école, les plus beaux tableaux du monde, reproduits dans des gravures d’une fidélité merveilleuse, obtenue par un procédé nouveau qui rivalise, pour la finesse des modelés, avec la beauté des gravures au burin les plus précieuses et, par la qualité de ses colorations, avec la vigueur des eaux-fortes. Le nouvel album que publie la maison Hachette est consacré aux œuvres modernes. Il contient soixante tableaux, choisis avec le goût le plus sur parmi les plus célèbres des maîtres contemporains, dont beaucoup, qui ont déjà acquis la célébrité, recevront la consécration des siècles, en laissant aux générations de l’avenir des documens à la fois fidèles et d’une beauté parfaite qui reflètent nos pensées, nos rêves et nos enthousiasmes. Plus savante et plus scrupuleuse dans l’évocation du passé, plus perspicace et plus exacte dans la figuration du présent, plus ouverte à toutes les manifestations de la vie, la peinture moderne, dont l’École française occupe le premier rang, peut soutenir la comparaison avec les grandes écoles de tous les temps et de tous les pays, car, tout en se renouvelant, elle a prouvé qu’elle était capable de progrès. Dans le vaste champ qu’ouvre à notre admiration cette galerie de l’art contemporain,

  1. Hachette.