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illustre frère, la cause en est précisément que, chez elle, la beauté s’est toujours trouvée « dépouillée d’art, » jaillissant toute fraîche et toute spontanée de l’âme la plus foncièrement « poétique » qu’il y ait eu jamais.


J’ai dit déjà que, parmi les illustrations de son nouveau recueil, M. William Rossetti nous a fait connaître un très beau portrait de sa sœur, dessiné par Dante-Gabriel en 1877 ; et le recueil contient encore deux autres portraits de Christina, s’ajoutant à ceux que nous offrait déjà le « mémoire » biographique publié en 1897, par M. Mackenzie Bell. Mais si l’on veut avoir une image vraiment fidèle de toute la personne vivante de Christina Rossetti, on la découvrira dans la petite Vierge de la célèbre Annonciation de la Galerie Nationale d’Art Anglais, peinte d’après elle par son frère en 1850. Non pas que les traits du modèle y soient peut-être reproduits bien exactement : mais à défaut de cette ressemblance extérieure, nous sentons que le peintre y a mis toute l’âme, toute la vie intellectuelle et morale de sa jeune sœur. Qui ne se rappelle, l’ayant vue dans l’original ou en photographie, cette petite figure rayonnante de blancheur sous sa robe blanche, parfumée d’une douceur virginale vraiment surnaturelle, et timide et tremblante comme un faible enfant, mais avec un monde de pieuse poésie dans le regard ingénu de ses grands yeux bruns ? Cette image devrait prendre place au frontispice des poèmes religieux de Christina ; et toutes les lettres que vient de nous donner M. William Rossetti ne font que nous en confirmer l’éloquente justesse. Jamais âme ne fut plus pure ni plus douce, jamais âme ne vécut et ne s’épanouit dans une atmosphère de « poésie » plus merveilleusement simple, naturelle, et belle. Au contraire de la plupart des lettres intimes dont on se plaît aujourd’hui à nous encombrer, les billets les plus banals de Christina s’accordent tout à fait avec l’impression qui s’exhale pour nous de son œuvre d’artiste : et lorsque, après les avoir lus, nous retournons à l’un de ses recueils, il nous semble que ces vers limpides et chantans, ces adorables soupirs très heureusement comparés par M. Swinburne à la « musique d’un carillon d’étoiles, » se glissent plus avant encore au plus secret de nos cœurs, nous arrivant tout droit du beau cœur « étoile » d’où ils ont jailli.

De même que Dante-Gabriel Rossetti n’a toujours été qu’un artiste, toujours sa jeune sœur, dès l’enfance, a possédé le don de revêtir de « poésie » tout le détail de ses sentimens comme de ses idées. Ses biographes ont raconté le double roman de sa vie, et nous