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précédens étaient délicats et de bon goût. Nous sommes chez Biron, le matin, à l’heure de la douche et du pyjama. Courtin arrive bon premier : il vient supplier l’amant de sa femme de le sauver. Celui-ci promet sans promettre ; il attend quelque chose ou quelqu’un : ce quelqu’un, qui ne pouvait se faire beaucoup attendre, c’est la baronne Courtin. A-t-elle espéré vraiment que le cynique financier l’obligerait, sans s’être d’abord payé en nature ? Elle ne persiste pas longtemps dans cette folle prétention. Et sur le canapé où Biron la serre de près, il se passe tout ce qui peut se passer sur un canapé… Cette indécence eût manqué à un ensemble si complet… Je ne sais d’ailleurs si les « arrangemens » auxquels nous allons assister maintenant ne sont pas encore plus révoltans. Le Foyer tombera dans les mains de l’aigrefin Leribbe, qui, transformant décidément l’œuvre de charité en une affaire, va « serrer la vis aux petites filles. » Courtin restera président du comité pour couvrir de son nom les honteux trafics de ce négrier. Quant à Biron, tout joyeux d’avoir repris possession de sa maîtresse et comprenant qu’il faut faire la part du feu, il passera à Thérèse un petit amant. Pour fêter cette réconciliation de famille, on va partir en yacht faire une croisière : Thérèse, le mari, l’amant qui « casque » et l’amant de cœur, enfin le ménage à quatre. — Telle est cette pièce qui nous reporte à de longues années en arrière, aux temps reculés de la défunte « comédie rosse. » On dirait un laissé pour compte du Théâtre libre.

Une impression s’en dégage qui domine toutes les autres, celle de l’ennui. Ces trois actes, tout pleins de redites, s’allongent interminablement. On y cherche vainement un trait de mœurs qui dénote l’observation, un détail de psychologie qui trahisse la vie, un mot de vérité, un accent humain, une éclaircie, une lueur. Rien que la convention, rien que le poncif. Cela veut être violent ; ce n’est que vulgaire et lourd. Les coquins n’ont, en littérature, qu’un moyen de se faire accepter, c’est d’être amusans : ils ne peuvent se sauver qu’à force d’esprit. On ne dira jamais à quel point ceux qu’ont fabriqués MM. Octave Mirbeau et Thadée Natanson manquent d’esprit. Ce sont des coquins ennuyeux. Et c’est au théâtre le seul défaut auquel on ne pardonne pas.

Et comment exprimer le dégoût que nous causent ces tristes fantoches ? La femme sensuelle et vénale, le mari complaisant, Tartufe du bien, qui profite de la charité ; l’amant, qui ruine le mari pour acheter la femme ; l’escroc Leribbe, et le louche politicien Arnaud Tripier, et la directrice aux -vices secrets, et l’aumônier cafard…