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meurt victime de l’ambition de ses parens, en expiation de leurs fautes. La maison des « vainqueurs » s’emplit de sanglots...

En vérité, ces gens sont trop malheureux. Nous oublions de les blâmer, tant ils nous semblent à plaindre ! Mais, au fait, quelle a été exactement l’intention de l’auteur ? A-t-il essayé d’appeler notre pitié sur le monde de ces pauvres politiciens ? A-t-il prétendu seulement en étaler les tares sous nos yeux ? Son dessein n’apparaît pas avec assez de clarté ; cela nuit à l’effet d’une pièce dont on ne sait s’il faut la prendre pour une satire ou pour un drame larmoyant. J’imagine que M. Fabre a voulu nous montrer ce que le milieu, le concours et l’engrenage des circonstances ont pu faire d’un homme qui, ailleurs, fût resté honnête. Il met en scène des gredins qui ont conscience de leurs fautes, qui en souffrent, qui en portent la peine. Nous en connaissons d’autres que leur conscience, — s’ils en ont une, — laisse parfaitement en repos. Ce sont eux qu’il eût été à propos de troubler dans leur sérénité.

M. Gémier est excellent dans le rôle de Daygrand. Mme Cheirel a eu de beaux cris au troisième acte. Tout l’ensemble est des plus satisfaisans.


Le Foyer de MM. Octave Mirbeau et Thadée Natanson présente avec les Vainqueurs de M. Emile Fabre de frappantes analogies. Dans les deux pièces, la situation est sensiblement la même : c’est celle d’un homme politique à la veille de sombrer dans un scandale et qui ne se tire de ce mauvais pas qu’en profitant de la galanterie de sa femme. Daygrand s’appellera le baron Courtin et sera sénateur au lieu de député. Leprieur s’appellera Biron et sera pareillement financier. Il n’est pas jusqu’à la scène du politicien méridional qui ne se répète d’une pièce à l’autre. Mais ce n’est pas au monde politique qu’en ont MM. Octave Mirbeau et Thadée Natanson : ils s’attaquent aux œuvres de charité organisées par les catholiques. M. Brieux avait déjà raillé abondamment le personnel des comités charitables, toutefois en le montrant ridicule plutôt qu’odieux. A la caricature qu’étaient les Bienfaiteurs, substituez le pamphlet ; reprenez dans la Religieuse de Diderot quelques-unes des accusations lancées contre les mœurs des couvens ; semez l’action de scènes grossières et le dialogue de détails scabreux : vous avez le Foyer. Pas un des personnages qui ne soit un drôle ; pas une de leurs actions qui ne soit une turpitude.

Cela commence avec le commencement. Persécutée par un amant qui a cessé de plaire, le brasseur d’affaires Biron, la baronne Thérèse