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qui est l’unanimité des voix, poussait la Conférence à cette alternative, ou de ne rien faire puisque l’unanimité n’était jamais obtenue, ou de faire ce qu’elle a fait : le Code des règles les plus parfaites, qu’il dépendra ensuite de chaque Etat de rendre ou non obligatoires. Dans cette mesure, l’œuvre de la Conférence est d’une valeur juridique que tout le monde reconnaîtra ; elle peut être aussi, et c’est là ce que le public doit bien comprendre, d’une utilité toute prochaine.

Que faut-il en effet pour que ces règles idéales soient adoptées par tous les pays ? Il faut et il suffit que la législation intérieure qui les contredit aujourd’hui, arrive à s’y conformer ; que, pour la durée, par exemple, elle étende à cinquante ans un délai qui est moindre. Chaque pays est maître chez lui, maître de ses lois, et nul n’a rien à y voir. Aussi bien n’est-il pas question de donner à tel ou tel Etat des conseils qu’il aurait le droit de mal accueillir. Mais il est permis de citer l’exemple de la Norvège qui, pour la traduction, en moins de dix ans, est passée des idées les plus rétrogrades aux plus avancées ; l’exemple de l’Italie qui, pour la durée, a changé son système de domaine public payant contre celui de la vie de l’auteur et de cinquante ans. Pourquoi ces changemens ? Parce que tous, auteurs, éditeurs y ont reconnu leur intérêt. Et d’ailleurs comment, si vite, ces lois intérieures ont-elles pu se modifier ? Parce que tous, après s’être donné la peine d’observer et de se rendre compte, se sont imposé l’effort nécessaire pour obtenir le changement. Les intérêts en cause, on ne saurait assez le remarquer, sont ceux des artistes, des écrivains, des journalistes, qui sans cesse parlent au public, et disposent de tous les moyens pour agir sur l’opinion, sur les parlementaires, sur les gouvernemens. Il dépend d’eux aujourd’hui, dans tous les pays de l’Union, et en vertu de cette confraternité qui leur fait des intérêts communs, de reconnaître dans la Convention nouvelle la loi la plus sûre, la plus intelligente, la plus fortement protectrice, et d’obtenir que les lois nationales se conforment à ce modèle. La Conférence de Berlin a fait tout ce qu’elle pouvait faire dans leur intérêt ; c’est à eux qu’il appartient de rendre son œuvre partout applicable et d’en profiter.


LOUIS DELZONS.