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de les autoriser doit être réservé à l’auteur. C’est pourquoi le projet allemand proposait de remplacer la règle de 1886 par une règle contraire. Il ne semble pas, à la Conférence, que le principe même ait rencontré de l’opposition ; et tout de suite les délégués ont reconnu à l’auteur, suivant le projet allemand, le droit d’autoriser l’adaptation, l’exécution.

Mais il eût été trop beau que le principe triomphât ainsi sans nuance, sans réserve. Les Allemands eux-mêmes avaient proposé une réserve, et si grave, que l’auteur y perdait tous les avantages qu’on lui avait accordés d’abord. Ils demandaient que le droit de reproduire l’œuvre musicale, dès que l’auteur l’aurait concédé une fois, tous les fabricans pussent en user librement. À la Conférence, cette restriction fut combattue par certains délégués qui, d’ailleurs, en proposaient d’autres. En fin de compte, il apparut à la fois que, bon gré mal gré, des restrictions devaient être admises pour certains pays, et qu’il fallait leur laisser le soin de les déterminer à leur guise. Cette concession nécessaire a donné l’article 13 paragraphe 2, qui, tout de suite après le principe du droit de l’auteur, reconnu dans le paragraphe 1, énonce que des « réserves et conditions » pourront être déterminées par les lois intérieures de chaque État. Il semble que toute la force du principe se trouve ainsi détruite, et que l’auteur, ayant reçu solennellement le droit exclusif d’autoriser l’adaptation aux instrumens mécaniques, se voit en même temps paralysé par la menace de ces « lois intérieures. » Cependant, les efforts des États vraiment soucieux de défendre le droit de l’auteur, plus respectable que celui du fabricant, ont un peu atténué l’effet des réserves. Elles seront limitées au pays qui les aura établies ; donc les rouleaux et cartons, fabriqués dans le pays qui protège les fabricans, ne pourront pas être importés dans un autre pays qui au contraire protégerait les auteurs. Il y a mieux ; à la demande de l’Italie, nettement protectrice des compositeurs, l’article 13, paragraphe 4, décide que les rouleaux importés pourront être saisis.

La Convention nouvelle, on le voit, reflète, en cette grave question, le conflit désintérêts que la force du principe, le droit primordial de l’auteur, n’a pu réussir à régler. Somme toute, le principe est affirmé, et les concessions obtenues pour les fabricans sont limitées au territoire des pays qui croiront devoir les accorder. C’est encore un mal, c’est un moindre mal.