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d’ailleurs par les Français et les Italiens. Les trois délégations ont uni leurs efforts. Elles ont fait valoir que la vieille distinction entre l’art pur et l’art appliqué était aujourd’hui plus que surannée, simplement injuste ; que des artistes incontestés se consacraient exclusivement à l’invention des objets les plus humbles de la décoration et du mobilier ; qu’ainsi, marchander la protection à l’art industriel, c’était laisser sans défense la pensée créatrice dans une des expressions où elle mérite le mieux d’être encouragée... Ces argumens n’ont pu vaincre la résistance des Anglais et des Suisses. Ces deux délégations ont objecté que les mots « art appliqué à l’industrie » étendaient la protection au delà des limites de l’art véritable ; d’après elles, une foule d’œuvres, sans aucun caractère artistique, profiteraient de cette expression trop vaste pour se faire protéger, alors que, le plus souvent, elles tombent dans l’oubli, sitôt nées ; il est peut-être nécessaire, disait-on encore, de faire à ces œuvres un régime spécial ; mais le régime existe déjà de par la protection accordée aux dessins industriels... De telles objections et quelques autres sont depuis longtemps connues ; on les a réfutées en disant que, bien entendu, c’est la création originale qui doit être seule protégée, mais qu’elle doit être toujours protégée, quels que soient le mérite et la destination de l’œuvre ; on a montré le danger de laisser aux opinions esthétiques d’un juge, — qui peut aimer l’art nouveau ou ne l’aimer pas, goûter la fantaisie d’un vase de Gallé ou n’y voir qu’une bouteille coloriée, — le soin de protéger une œuvre qui n’est pas un tableau ni une statue ; on a rappelé enfin l’exemple de la France, où la loi de 1902, supprimant la vieille distinction de l’art et de l’art appliqué, a été accueillie par un applaudissement unanime... L’opposition est demeurée irréductible. On ne pouvait donc obtenir pour l’art appliqué l’engagement des pays contractans de le faire protéger par leurs lois intérieures. On a obtenu seulement de l’inscrire, à la fin de l’article qui énumère les œuvres protégées, et comme dans un compartiment séparé où il n’a pas à compter sur la protection internationale ; il est là, en attente, dans une posture un peu humble, dans une condition juridique assez diminuée. A vrai dire, il peut avoir en fait un sort, égal à celui des œuvres simplement « artistiques, » que la Convention protège. Il faut qu’il se fasse reconnaître par la législation intérieure de chaque pays ; s’il y parvient, il n’importera guère à sa prospérité, que la