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L’EUROPE ET LA CRISE BALKANIQUE

Metternich écrivait à l’empereur François, le 17 avril 1817 : « La base de la politique contemporaine est et doit être le repos ; or l’idée fondamentale du repos, c’est la sécurité dans la possession. » L’Autriche, depuis un siècle, semblait avoir fait, de cette maxime de son grand ministre, la règle de sa politique. Il lui arriva de pâtir des crises européennes ; on ne la vit jamais les déchaîner. Elle évitait les initiatives téméraires, comme si elle avait conscience d’être, en Europe, l’un des élémens les plus nécessaires à l’équilibre. Exclue, par la force, des affaires allemandes, elle semblait convaincue, avec Metternich, que « la sécurité dans la possession » pouvait suffire à une si vénérable monarchie en un temps où s’effondraient tant de dynasties et où les forces révolutionnaires menaient l’assaut des vieux principes et des vieilles institutions. S’il lui arrivait de réaliser un bénéfice, il était le prix d’une habile abstention : en 1878, le droit d’occuper et d’administrer la Bosnie et l’Herzégovine fut le salaire de sa neutralité. Elle subit, docile et passive, l’impulsion de Bismarck et s’engagea dans la direction de l’Archipel ; depuis lors, elle poursuit dans les Balkans, patiemment et sans éclat, une politique de pénétration et d’influence. Ses préférences sont toujours pour la réserve et la prudence ; elle n’apparaît jamais à l’avant-garde : elle ne précède pas, elle suit.

Le comte Goluchowski, qui dirigea le ministère des Affaires étrangères jusqu’à l’automne 1906, était l’homme de cette méthode ; il ne croyait pas le moment venu pour son pays, parmi les crises intérieures qui l’agitaient, de se départir d’une attitude de vigilante expectative ; son rôle fut tout de modération, de pondération : « brillant second, » dira Guillaume II après Algésiras,