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me semble que ma tête est dans une boîte et qu’elle ne peut jamais plus augmenter ; et je sens une espèce de paralysie sur les muscles qui font qu’on s’applique, car je suis sûre que la plupart de nos facultés intellectuelles ont des muscles à [elles] pour agir. Je le sens, et quand je suis lasse, ma mémoire est bien plus mauvaise que quand je suis toute fraîche sortant de mon lit. En même temps cette conviction m’attriste ; cela sent le matérialisme, que je crains plus que le diable. Je me console en pensant que la vie est un si grand mystère et si inexplicable, que je puis bien croire à l’âme sans non plus la comprendre. Demandez à Manzoni où est le prêtre qui l’a converti : si je puis le trouver un jour, je serai bien contente 1 Je consentirai de suite à être de la lie du peuple, à être vieille, laide, bête et misérable pour avoir une vive foi, et trop contente encore ! Mais si le Christianisme est vrai, pourquoi Dieu a-t-il la cruauté de mêla refuser, cette foi que j’ambitionne comme le premier des biens ? Demandez-lui où est ce prêtre. J’ai envie de lui écrire comme on écrit à un médecin...


Mary Clarke à Claude Fauriel


Cold Overton, le 16 juillet 1826.

... Le fait est, cher Dicky, mon ange, qu’il vous faut toujours quelque femme pour vous dorloter, et que si vous n’en trouvez pas une sous la main qui vous plaise précisément, et par discrimination, vous en prenez une qui ne vous plaît pas,... ... pourvu qu’elle ne soit pas un homme (Ce n’est pas tout ce qu’il vous faut, mais c’est mieux qu’autre chose) ; du reste, cher Dicky, j’approuve fort cette disposition.

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Lord Byron avait raison de quitter un vieux avare de pays pour aller vivre avec un jeune extravagant de pays, car il ne faut pas se dissimuler que cette pauvre Grèce ne raisonne pas trop juste. Au fait, je n’en sais rien, mais je voudrais avoir été lord Byron seulement finissant ma vie sur le champ de bataille au lieu de mourir dans un lit comme il a fait[1]. Je lis certain philosophe appelé Epictète. Les philosophes et les dévots sont, je pense, fort peu de chose, car je découvre toujours qu’ils prêchent comme fort difficiles des choses que je pratique chaque jour

  1. Mort à Missolonghi, en 1814.