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après la conclusion d’une affaire, si belle qu’elle paraisse, ne peut rien inscrire à son avoir avec certitude. Cela ne m’est pas arrivé, même après une paix aussi brillante que celle de Francfort[1]. »

Voilà le jugement de Bismarck lui-même en 1897, vingt-six ans après la proclamation de l’Empire. Le vieux chancelier se rendait bien compte que si son œuvre avait donné une ampleur prodigieuse à la Prusse en assurant sa domination sur l’Allemagne ; que si elle lui avait permis de déployer une plus grande force d’expansion et d’activité dans tous les genres, d’accroître son industrie et d’exercer une vaste propagande commerciale sur tous les points du monde, elle forçait aussi l’Allemagne à se tenir sans cesse sur le qui-vive, à s’allier à deux autres peuples pour tenir en respect le peuple vaincu dans la dernière guerre, à augmenter démesurément ses forces militaires et navales, à accroître par là même sa dette publique, à créer de nouveaux et lourds impôts, à compromettre sa prospérité et à obliger aussi les autres nations à dépenser continuellement des sommes énormes pour des fortifications et des armemens nouveaux. La paix promise à tous, par la proclamation du 18 janvier 1871, n’a été en réalité qu’une paix armée. L’Europe inquiète, qui oppose alliances à alliances et se ruine en préparatifs de guerre, vit dans la crainte perpétuelle d’événemens tragiques. Tel est, en somme, le résultat le plus appréciable de la formation de l’Empire allemand par le plus grand politique que l’Allemagne ait jamais connu.


HENRI WELSCHINGER.

  1. Horst-Kohl, Bismarck-Jahrbuch, t. IV.