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du 18 décembre qui stipulait un accord complet de tous les États.

Mais les plus graves difficultés n’étaient pas aplanies et le comte de Bismarck allait passer par des épreuves encore plus pénibles que les précédentes. « L’impérialisme allemand, a dit le grand-duc de Bade dans son Journal intime, né dans le palais des rois de France et sans doute du plus grand, s’enfanta, comme les belles choses, dans la douleur. Il connut les querelles, les conflits et les larmes. »

Le chancelier continuait à se plaindre des embarras et des obstacles suscités par la Cour et par le Roi lui-même. Le seul prince qui le soutînt effectivement, le grand-duc de Bade, au banquet royal du 1er janvier, saluait dans la personne du Roi le chef suprême de l’Empire allemand et dans la couronne de cet Empire la garantie d’une irrévocable unité. Il répéta le cri du roi de Bavière : « Vive Sa Majesté le roi Guillaume le Victorieux ! » Le Roi crut devoir déclarer une fois de plus qu’il n’accepterait la couronne que si toutes les dynasties régnantes en Allemagne y consentaient. Puis, prenant à part le grand-duc, il lui dit : « Tu as fait de ton mieux pour l’unité de l’Allemagne : merci ! » Mais ce vénérable Empire allemand que le grand-duc de Bade voyait déjà renaître plus puissant et comme rajeuni, tardait à se former. Si le prince royal, avec une impatience surprenante, voulait brusquer les choses, le roi Guillaume paraissait moins ardent. « Prussien dans l’âme, constate M. Paul Matter, le vieux souverain éprouvait une mélancolie profonde à dissimuler son titre de roi de Prusse sous le nom pompeux d’Empereur. » Il considérait cette transformation comme une sorte de déchéance ou d’amoindrissement. Il confiait ses angoisses à la reine Augusta. « J’en étais si morose que j’étais sur le point de me retirer et de tout remettre à Fritz. » Il se rappelait les répugnances de Frédéric-Guillaume IV en 1849, et quoique aujourd’hui il pût compter sur le vote favorable des princes alliés, il lui en coûtait grandement encore d’abandonner le titre prussien. En réalité, il craignait de n’avoir plus les mêmes droits, le même pouvoir, la même autorité. Il redoutait les intrusions du Parlement et les exigences de rois qu’il eût