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faite ! » Mais le prince royal trouve que la Prusse a obtenu peu de chose. « Nous aurions pu demander plus, répond Bismarck, mais comment nous y serions-nous pris pour l’obtenir ? — Eh bien, mais en les y forçant ! — Dans ce cas, monseigneur, je ne puis que recommander à Votre Altesse Royale de commencer par désarmer les troupes bavaroises qu’Elle a sous ses ordres[1]. »

Il s’agissait maintenant d’avoir l’adhésion du Reichstag et des quatre Parlemens du Sud. Bismarck était résolu à ne pas accorder au Reichstag le moindre amendement et à presser le vote. « Si on ne faisait pas l’unité à ce moment, c’en serait fait pour des années ! » Le 24 novembre, le Reichstag se réunit, et Delbrück présenta un exposé minutieux auquel le président Simson répondit par l’éloge de l’unité germanique, sans éveiller de profondes sympathies dans l’assemblée. « Mais Delbrück, dit M. Paul Matter, pétrit subtilement la pâte parlementaire, y répandit le levain du patriotisme historique, chauffa le four de l’enthousiasme. Il fut à cette époque le véritable artisan de l’unité. » Le prince royal n’était guère de cet avis. « J’apprends, écrit-il le 9 décembre, de quelle façon Delbrück a exposé au Reichstag la question de l’Empire. Il a été faible, sec, banal. On aurait dit qu’il tirait la couronne impériale, enveloppée d’un vieux journal, du fond de sa culotte ! Il est impossible de donner du souffle à ces gens-là ! » Dans le texte soumis au Reichstag, le Bundesrath, avait fait deux changemens importans qui devaient être accueillis sans observation. Le mot Bund, confédération, avait été remplacé par Reich, Empire, et le mot Præsidium par Kaiser. Pendant que les députés délibéraient, le chancelier avait tenté une nouvelle démarche auprès de Louis II par le comte Holnstein. C’était l’écuyer du Roi qui, venu à Versailles, s’était offert à remettre à son maître une lettre de Bismarck. Celui-ci s’empressa de l’écrire. Datée du 27 novembre 1870[2], elle commençait par des éloges et faisait du Roi le prince qui, au début de la guerre, avait consommé l’unité et la puissance de l’Allemagne. Le chancelier révélait ensuite les idées qui pénétraient le peuple allemand. « L’empereur d’Allemagne, disait-il, est pour tous un

  1. Souvenirs de Bismarck, par Busch, t. Ier, p. 205.
  2. Pensées et Souvenirs, t. Ier, p, 438.