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S’entendre sur « les biens d’Église, » tout était là en effet. C’était aussi l’opinion de la duchesse Sophie. Rome se soumettrait-elle à ce chantage ? Au début, la duchesse n’osait s’en flatter : « Je ne vois point, écrivait-elle à son frère, qu’en ce temps ici on offre beaucoup pour une âme[1]. » Cela dépendait ; il y a âme et âme, comme il y a fagot et fagot. La vérité était que l’âme de son époux, le duc Ernest-Auguste, était cotée très bas à Rome ; les Archives du Vatican en renferment maint témoignage[2]. Ernest-Auguste n’avait pas encore hérité du Hanovre. Il n’était toujours qu’évêque d’Osnabruck, évêque protestant et marié, et le Saint-Siège avait peu de considération pour les prélats de cette farine. On ne saurait le trouver mauvais.

L’évêque de Tina l’avait cependant compris dans sa tournée de princes à convertir. La lettre où la duchesse Sophie racontait sa visite est malheureusement perdue. Dans une autre lettre, postérieure à l’entrevue, elle eut cette réflexion qui sentait le découragement : « Je crois que les catholiques se soucieront fort peu de notre âme tant que nous ne croirons point le purgatoire, les indulgences et les messes, qui leur apportent de l’argent[3]. » Son visiteur n’avait pas réussi à lui donner confiance, peut-être parce qu’il n’avait pas qualité, à cette date, pour en venir à des offres fermes. L’évêque de Tina ne parlait qu’au nom de l’Empereur ; le Saint-Siège, quelque incroyable que cela puisse paraître, n’avait pas été tenu au courant, officiellement du moins, de ce qui se brassait en Allemagne, témoin sa correspondance, pour l’année 1678, avec son nonce à Vienne, Francesco Buonvisi, archevêque de Thessalonique.

Le 12 février, dépêche sévère du cardinal Alderano Cibo, secrétaire d’Etat de la papauté, au nonce à Vienne. On s’étonne à Rome que le nonce, qui ne néglige pourtant jamais de donner connaissance de ce qui mérite une mention, n’ait rien écrit de l’affaire de l’évêque de Tina, « qui est d’une importance extrême[4]. » Ordre au nonce, poursuit le cardinal, « d’exécuter avec la sagacité qui lui est propre ce que je lui écris

  1. Du 14 janvier 1677.
  2. Cf. la correspondance de Rome avec le nonce à Vienne : Nunziatura di Germania, t. 198, passim. Il n’y a pas de pagination.
  3. Du 29 juillet 1677.
  4. Archives du Vatican. — Nunziatura di Germania, t. 198.