Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/729

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déchirait et les balles étaient lancées en avant, se dispersant comme les plombs d’un fusil de chasse. Ce tir était efficace, terrible même, depuis la bouche de la pièce jusqu’à 300 ou 600 mètres suivant le calibre ; son action s’exerçait donc aussi en profondeur ; il constituait le vrai tir de l’attaque décisive.


Les études balistiques du milieu du siècle dernier déterminèrent l’adoption des armes rayées, imprimant à des projectiles cylindro-ogivaux un mouvement de rotation autour de leur axe et leur donnant ainsi une grande aptitude à conserver leur vitesse, par conséquent une grande portée et en même temps une grande précision. En passant du canon lisse au canon rayé qui, pour un même calibre, envoyait un projectile de poids double en raison de sa forme allongée (notre ancien canon de 12 lisse, transformé en canon raye, tirait un obus de 12 kilos au lieu de 6), on dut, afin de ne pas dépasser la limite de résistance du matériel, réduire la vitesse initiale de près de 200 mètres. Le projectile était creux et muni d’une fusée dite percutante[1], qui déterminait l’éclatement au moment où l’obus rencontrait le sol.

En définitive, on avait obtenu un seul avantage, précieux Cependant, l’augmentation de la portée. En revanche, l’obus éclatant au point de chute n’avait plus aucune action en profondeur ; pour être efficace, il devait tomber très près de l’objectif : d’où la nécessité d’une grande précision que la pièce donnait, il est vrai, mais aussi d’un réglage, opération nouvelle qui incombait aux officiers.


Après 1870, les questions d’artillerie vinrent à l’ordre du jour ; elles furent traitées avec une surprenante activité, surtout en France, où elles aboutirent à la création de notre matériel de 80 et de 90.

Le facteur le plus important de l’efficacité est la vitesse restante de l’obus au moment où il arrive au but : on rechercha donc d’une part à rendre au projectile la grande vitesse initiale qu’il avait à l’époque du canon lisse, d’autre part, à lui donner la

  1. Ceci n’est pas tout à fait exact : nos canons rayés, en 1859 et dans les premières rencontres de 1870, avaient une fusée fusante établie dans des conditions si défectueuses qu’on dut la remplacer, pendant la campagne, par une fusée percutante.