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rendu justice à la modération et à la fermeté de notre diplomatie dans cette affaire de rien, qui aurait pu devenir une grosse affaire. Nous devons reconnaître que la diplomatie allemande y a finalement apporté, elle aussi, un réel esprit de conciliation. D’un consentement mutuel, les deux gouvernemens se sont dessaisis de la question, après l’avoir précisée, pour en saisir un arbitre. Combien de controverses, qui s’enveniment en durant, ne pourraient-elles pas se dénouer ainsi ? Quant au Maroc lui-même, gardons-nous d’en parler sans nécessité. Depuis qu’on ne s’en occupe plus, ou qu’on s’en occupe moins, les affaires s’y arrangent toutes seules : nous avons toujours cru qu’il en serait ainsi.


Nous devons signaler la mort de l’empereur de Chine, Tsaï-t’ien, el de la vieille impératrice Ts’en-hsi. Le nouvel Empereur a trois ans : on lui a donné un tuteur qui gouvernera avec le titre de régent. Sur le trône, il importe peu qu’un enfant encore au berceau succède à la larve humaine qu’était le pauvre Tsaï-t’ien ; ce changement peut être considéré comme insignifiant : mais il n’en est pas de même de la mort de l’impératrice Ts’en-hsi, qui a gouverné effectivement la Chine depuis de longues années, après avoir annihilé et supprimé en fait le faible empereur. C’était une femme d’une réelle intelligence politique et d’une volonté très forte, dénuée de tout scrupule et ne reculant devant aucun moyen pour se maintenir : elle y a réussi longtemps, en dépit de l’infériorité de sa naissance et des difficultés qui, à diverses reprises, se sont dressées devant elles, sous la forme, par exemple, d’insurrections qu’elle a noyées dans le sang. Elle avait déjà pris goût au pouvoir, de manière à ne pas s’en dessaisir facilement, lorsque Tsaï-t’ien, qui était son neveu, arriva à sa majorité en mars 1889. Le jeune Empereur semble avoir eu plus d’intelligence que de caractère ; il écouta des conseillers qui proposaient d’introduire des réformes dans le vieux système politique chinois. Ce fut sa perte. L’impératrice Ts’en-hsi était ennemie des réformes : elle séquestra son neveu en septembre 1898, reprit d’une main très ferme les rênes du gouvernement et ne les abandonna plus qu’en mourant. La plus fâcheuse aventure de son règne a été l’insurrection des Boxers, qui attira les troupes européennes jusqu’à Pékin, où elles délivrèrent les légations. L’impératrice et la Cour prirent la fuite loin de la capitale : bientôt rassurées, elles ne tardèrent pas à y revenir. Tout à la fin de sa vie, l’impératrice, malade et sentant ses forces décliner, montra, dit-on, moins d’hostilité contre les réformes :