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financier allemand auprès de nos réformateurs français les plus enclins à l’admirer. Les projets du gouvernement impérial établissent le monopole de la vente de l’esprit-de-vin, et augmentent les impôts sur le vin, la bière, le tabac, le gaz. l’électricité, les successions, en même temps que les contributions matriculaires des États particuliers. Nous n’entrerons pas dans le détail de ces projets : si nous le faisions, nous risquerions de nous y perdre, car il n’y a rien de plus compliqué que le système financier allemand, surtout lorsqu’il s’étend du budget de l’Empire à ceux des États. Or, tous ces budgets seront plus ou moins atteints. Celui de l’Empire le sera, comme il est juste, dans une proportion plus grande que tous les autres : on ne lui demande rien moins qu’une augmentation de plus de 600 millions d’impôts. Avec les impôts des divers États, la somme totale ne sera pas très éloignée d’un milliard. Il y a vraiment lieu d’être surpris qu’une aggravation aussi formidable des charges publiques vienne peser d’un seul coup sur le contribuable allemand. Nous ne nous rappelons pas qu’un pareil phénomène fiscal se soit produit dans l’histoire d’aucun pays, excepté chez nous après nos désastres, quand nous avons dû faire face à la fois à une écrasante indemnité de guerre et à la réfection de tout notre matériel militaire. Mais qu’un poids aussi lourd accable subitement un pays en pleine prospérité et en pleine paix, après une paix qui a duré trente-huit ans sans interruption, seul le mot de colossal, que les Allemands aiment tant à s’appliquer, convient à l’étonnement que cette situation provoque. Comment faire accepter cela au Reichstag ? La discussion vient de commencer ; on prévoit qu’elle sera longue et laborieuse. Le premier discours qui y a été prononcé a été celui du prince de Bülow : il a été d’une aisance charmante, mais suffira-t-il pour grouper une majorité autour des projets du gouvernement ? Il est vrai que M. de Bülow exerce sur le parlement une autre prise encore que celle de la parole. Il a présidé aux élections dernières, et ces élections ont été, on s’en souvient, un triomphe pour lui. La majorité la plus hétérogène en est sortie, puisqu’elle se compose à la fois de radicaux et de conservateurs. C’est un bloc d’un nouveau genre dont le lien est le prince de Bülow lui-même. Au cours des derniers événemens, on s’est demandé avec terreur ce que deviendrait ce bloc paradoxal si M. de Bülow venait à disparaître, et cette préoccupation, qui a été un moment très vive, est encore une des causes de la solidité personnelle du chancelier.

Son discours a été moins un exposé financier de la situation