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à la faveur duquel les négociations s’étaient ouvertes, expirant le 17, les hostilités devaient reprendre le même jour.

Ce dénouement était prévu. A l’exception du plénipotentiaire français, le général de Caulaincourt, qui s’était vainement efforcé de convaincre Napoléon que, pour lui, tout était préférable à la continuation de la guerre, tous les intéressés avaient souhaité l’échec de cette tentative de réconciliation, véritable comédie imaginée par Metternich pour colorer d’un prétexte la résolution prise par l’Autriche de faire cause commune avec les alliés. Favorisée par les atermoiemens qu’opposait Napoléon aux conditions qu’on voulait lui imposer, comme par l’énergique volonté du monarque russe d’en finir avec lui et de ne déposer les armes qu’après l’avoir renversé, la comédie maintenant était jouée. L’ultimatum signifié par la diplomatie autrichienne à l’Empereur, ne lui laissait aucun doute sur l’aggravation des périls auxquels il était exposé, résultant de l’entrée en campagne des trois cent mille hommes que l’Autriche mettait au service de la coalition et du secours de l’armée suédoise que lui apportait Bernadotte, définitivement rallié à elle, par les engagemens réciproques pris à Trachenberg, entre lui et les souverains.

Ces périls, Napoléon les avait mesurés avec son ordinaire sang-froid. Confiant dans son génie, dans ses victoires, dans les avantages que lui avaient procurés les deux plus récentes. Lutzen et Bautzen ; sourd aux avertissemens qu’il aurait dû tirer des revers de ses lieutenans en Espagne, qui l’obligeaient à évacuer ce pays et rendaient inutiles les longs et onéreux sacrifices qu’il avait faits afin d’y maintenir sa puissance sous le nom de son frère Joseph, il avait mis à profit l’armistice pour se préparer à tenir tête aux forces formidables qui marchaient contre lui. Fortifié sur la ligne de l’Elbe, maître de Dresde, le centre de son armée sous les murs de cette ville et le reste échelonné de manière à barrer tous les chemins qui auraient permis à l’ennemi de le prendre à revers, non seulement il se croyait inexpugnable, mais encore, tandis que les armées alliées réorganisées, elles aussi, grâce à l’armistice, s’avançaient de divers côtés, convaincu qu’il les battrait l’une après l’autre, il projetait de se porter sur Berlin, d’infliger à la Prusse une sanglante leçon et de frapper au cœur la coalition. Ainsi, dans l’un et l’autre camp, on se flattait de l’espoir de vaincre et de porter à l’adversaire des coups irréparables.