Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/630

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

initiale de la défaillance douloureuse, qui allait jeter une ombre sur sa gloire restée pure jusque-là.

Le 25 juin, l’Hannibal mettait à la voile, emportant le général Moreau, son ancien secrétaire Fresnières qui était venu le rejoindre aux États-Unis et l’attaché russe Paul de Svinine, qu’à sa demande, Daschkoff avait autorisé à partir avec lui. Une courte relation de Svinine nous permet de suivre les voyageurs pendant cette traversée qui dura un mois et s’effectua sans incidens. Le 1er juillet, on fait escale à Terre-Neuve, le général passe cette journée à pêcher la morue. Le 24, en longeant les côtes de Norvège, on croise une frégate anglaise, l’Hermodry, dont le commandant, sur la nouvelle que Moreau est à bord de l’Hannibal, s’y fait porter, lui apprend que Mme Moreau est en Angleterre et se charge de lettres pour elle. Le soir du même jour, on est en vue de Gothenbourg.

Dans les Archives de Russie, nous avons trouvé la lettre, en date du 21, que le voyageur, avant de mettre pied à terre, écrivit à l’empereur Alexandre pour lui annoncer son arrivée. Il n’y entrait dans aucun détail relatif à ses projets : « Votre Majesté peut compter sur mon empressement à me rendre auprès d’Elle, se contentait-il de dire, et sur mon désir de pouvoir lui être de quelque utilité. » Une lettre analogue fut envoyée à Bernadotte, qui se trouvait à Stralsund où Moreau comptait le trouver quelques jours plus tard. Le 27, il débarqua à Gothenbourg. Dans sa marche du bateau à la maison où, par ordre de Bernadotte, ses appartemens étaient préparés, il fut reconnu et acclamé. Une lettre du prince royal l’attendait. Elle lui souhaitait la bienvenue et l’invitait à se rendre au plus vite à Stralsund.

A Gothenbourg, résidait alors le général d’Essen[1], commandant les troupes suédoises. Moreau étant allé le voir, il le salua de ces mots :

— Vous nous apportez un secours de cent mille hommes.

Et il lui fit part de l’impatience avec laquelle il était attendu par les souverains alliés. Nonobstant cette impatience, Moreau, fatigué par une longue traversée, se reposa durant trois jours. Le

  1. Né en 1755, mort en 1824. Il avait fait en Suède une brillante carrière militaire, sous le règne de Gustave III, aux côtés duquel il se trouvait quand ce prince fut assassiné. Il fut ensuite gouverneur général de la Poméranie et, en 1810, ministre de Suède à Paris. Il reçut plus tard le gouvernement de la Norvège et fut créé Grand Maréchal.