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États-Unis était adressée à sa femme et devait lui être remise quand elle y arriverait. Il suffira d’en détacher un passage pour faire comprendre qu’au moment où il allait s’embarquer, il n’éprouvait ni regrets, ni remords. Dans sa pensée, en allant combattre Napoléon, il allait combattre pour la France ; il se flattait de l’espoir d’être, après la chute du régime impérial, un médiateur entre sa patrie vaincue et les puissances étrangères victorieuses.

« Ma bien chère amie, — À ton arrivée ici, tu seras sans doute bien étonnée d’apprendre que j’ai quitté ce pays pour l’Europe, à moins qu’une des nombreuses lettres que je t’ai écrites depuis le mois de mars dernier, époque où j’ai reçu les propositions directes de la Russie et les invitations que m’a fait faire Bernadotte de me rendre en Europe ne te soit parvenue. Par la lettre que m’a remise M. Nérac, tu prévoyais ce cas, et rien ne m’a fait plus de plaisir, puisque c’était l’approuver. Les circonstances n’ont jamais été plus favorables pour rentrer dans notre pays ; mais le désir d’empêcher que la France entière ne soit la victime de la vengeance étrangère, à la chute de Bonaparte, me fait désirer d’y contribuer.

« J’ignore encore ce qu’on va faire. J’ai envoyé, il y a deux mois, un mémoire où j’exprime le désir qu’on me forme une petite armée des prisonniers français en Russie avec lesquels je tâcherais d’aborder en France et de donner un point d’appui aux mécontens. Je désirerais que Bonaparte tombât de la main des Français ; cela serait bien avantageux et bien honorable pour eux.

« On t’attend à tout moment sur l’Erié. Jamais ordre de Bonaparte ne m’a fait plus de plaisir que celui de te faire partir. Je ne voulais pas m’en aller d’ici avant d’être certain que tu avais reçu quelques-unes de mes lettres. Nous savons indirectement que tu pars. Un passager de l’Atlas a dit à Philadelphie qu’il avait une lettre de toi et que, la veille de son départ pour Bayonne, il t’avait vue faire tes paquets…

« Si ta santé n’était pas parfaitement rétablie, je pense que tu ferais bien, si la saison n’était pas trop avancée et que tu ne fusses pas trop ennuyée de la mer, de te rendre en Angleterre où nous serions plus à portée l’un de l’autre et où tu trouverais plus de ressources pour l’éducation d’Isabelle. Parish, qui était venu à la campagne, il y a trois jours, me donner toutes ces