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longue absence de l’escadre. Il ne fallait pas le lui demander, car la réélection le guettait, et la crainte de l’électeur n’était pas toujours le commencement de la sagesse. M. Alfred Picard, organisateur de vaste envergure, esprit généralisateur, sans attaches politiques, pourra, si on lui laisse les mains libres, opérer les réformes attendues, sans arrière-pensée, sans autre mobile que le bien public. Certes, il lui faudra du temps pour donner sa mesure. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’il rétablira l’ordre et la discipline là où règnent l’anarchie et la confusion. Mais, déjà l’attitude du ministre inquiète le personnel des ports. C’est un signe des temps nouveaux.

Deuxième condition indispensable : Liaison des directions, soudure effective des services. Il faut restaurer l’autorité disparue. Ici, point d’innovation ; nous réclamons le simple retour à un passé qui a fait ses preuves. Cet organe coordinateur a existé et doit être rétabli. Le chef d’état-major général peut seul remplir ce rôle, parce qu’il a la compétence nécessaire et que la préparation des opérations navales prime tout le reste. Replaçons le chef d’état-major au gouvernail. Sans marchander, étendons les pouvoirs de cet officier général, sous l’autorité du ministre, bien entendu. L’homme qui prépare la guerre doit avoir la préséance sur ceux qui lui fournissent les outils. Qu’il redevienne le pivot du ministère ; qu’il joue selon les circonstances un rôle modérateur, impulsif, conciliateur, et qu’il groupe tous les efforts en un faisceau compact.

Enfin, troisième condition : Il faut liquider tout le passé. M. Étienne Lamy, rapporteur du budget de la marine, écrivait dès 1879 : « Ce n’est pas de réformes de détail qu’il s’agit ; la marine exige des mesures d’ensemble. »

Prenons ces mesures et, pour les rendre efficaces, abritons-les sous l’autorité de la loi, comme l’ont réclamé l’année dernière MM. Poirrier et Chaumet, rapporteurs du budget de la marine dans les deux Chambres. Cette loi organique fixerait tout ce que l’on peut déterminer d’avance, tout ce qui, en dépit des changemens politiques, ne doit recevoir que des modifications espacées. Elle ferait disparaître l’incohérence par la suppression partielle du provisoire maritime et la réduction au minimum du régime instable des décrets, si commode pour les ministres, mais parfois si malencontreux pour l’organisme.

Il ne semble pas que la commission de réorganisation admi-