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M. Alfred Picard, simplifiant cet ensemble, a concentré de nouveau les cabinets civil et technique en un seul, dirigé par un capitaine de vaisseau. Cette mesure semble indiquer que le ministre a l’intention de s’appuyer enfin sur l’utilisateur.

Paris veut tout examiner, tout contrôler, tout diriger. C’est la centralisation à outrance, avec les lenteurs obligées. L’ensemble de la correspondance officielle passe par le cabinet du ministre, véritable plaque tournante aiguillant l’avalanche quotidienne des plis sur les services compétens. Un rapport concerne-t-il la coque ou les machines ? On le fait passer à la direction centrale des constructions navales. Concerne-t-il les affûts, les projectiles, les appareils de visée ? On l’envoie à la direction de l’artillerie. Chacun de ces services devient ainsi juge et partie. Après examen, le directeur répond parfois que « la question est à l’étude ; » et, quand aucun crédit n’est en jeu, il signe « pour le ministre. »

Ces procédés, qui n’excèdent pas les prescriptions réglementaires, rappellent vaguement la navigation « à la part, » et on cherche instinctivement l’autorité chargée de centraliser les questions, et d’en activer les solutions. Car le passage à travers la filière des bureaux n’est point rapide. Une affaire intéresse-t-elle trois services ? À raison de quinze jours pour chacun d’eux, la solution ne rentre au lieu d’origine qu’au bout d’un mois et demi. Quelquefois même, elle n’y rentre point : qui n’a gardé le souvenir des appareils frigorifiques de l’Iéna ? Il y a bien la « Conférence des services d’action, » récemment créée ; mais, combien de temps lui faudra-t-il pour vaincre l’apathie des bureaux ? Pourquoi ne pas résoudre sur place les affaires peu importantes ? Pourquoi nommer au commandement des arsenaux un officier général du grade le plus élevé, si l’on ne laisse rien ou presque rien à son initiative et à ses décisions ?

La solution dans les ports d’une foule de petits problèmes opérerait un triage entre les grosses questions et les affaires courantes ; elle opposerait une digue à cette marée de lettres dont les flots déferlent alternativement sur Paris et les cinq arsenaux. Pourquoi ne pas conférer à ces autorités provinciales la faculté de régler les choses qui n’engagent aucun principe et ne dépassent pas une somme déterminée, mais assez importante, au moins de 20 000 francs, comme on l’a proposé ? Cette simplification très désirable déchargerait Paris d’une partie de ses occupations parasitaires ; elle arrêterait quelques