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d’être bien sûre d’être aimée pour être heureuse ; et il me semble que ce temps n’est plus, ou que vous doutez de mon amour. Oh ! chère amie, que je suis à plaindre si c’est moi qui, par des momens d’humeur et d’impatience que je me reproche amèrement sans songer s’ils ont été tout à fait et uniquement ma faute, vous ai réduite à penser comme vous pensez aujourd’hui ! Oubliez-moi, je vous en conjure, si vous vous sentez malheureuse par moi, si vous me croyez capable de faire pour votre bonheur quelque chose que je ne fais pas, si le repos vaut mieux pour vous (et je pense qu’il vaut mieux) que les agitations de la crainte et de l’espérance. Vous avez devant vous une douce perspective, celle d’une existence paisible au milieu d’une famille qui occupe une grande place dans vos affections. Profitez des dispositions où vous mettent le contraste des souvenirs de cette famille chérie et des fatigues, des dégoûts d’un voyage qui ne répond point à votre attente, pour achever de surmonter ce que vous pouvez avoir encore pour moi d’un peu plus que de l’amitié. Votre bonheur m’est si cher que je serai satisfait d’y concourir à quelque prix que ce soit. Ne pensez pas au mien ; j’ai passé l’époque de la vie où l’on y peut avoir de grandes prétentions et je sais que bien d’autres, qui en méritaient plus que moi, ont quitté ce monde sans en avoir eu. Je ferais, en ne devenant pour vous que l’objet d’une affection ordinaire, la plus grande perte que j’aie pu faire de ma vie ; mais je ne veux point exagérer mon malheur ; j’y trouverais quelques consolations dans l’étude et dans des occupations d’esprit dont le motif est, je crois, un peu supérieur à celui de la simple vanité ; et après tout, quand je serais plus malheureux encore que je ne m’y attends, ce ne seront jamais que les restes de moi-même qui le seront. Sachez seulement encore une fois que je n’ai jamais mieux senti que je vous aimais et combien je vous aimais que depuis notre dernière séparation : mon cœur, mon souvenir, mon espoir n’ont été remplis que de vous : tout le reste a été accidentel, passager et secondaire...

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Ce que vous m’écrivez de Florence m’a un peu réjoui et consolé de la triste page de Bologne, Je ne sais quel désir secret il y a dans mon cœur, que cette ville vous plaise, et je ne sais quel espoir qu’elle me plaira aussi. Je suis charmé que les ha ha des Florentins vous paraissent agréables : je ne puis pas en dire