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Le baron de Rheinbaben, ministre des Finances, répondit[1] : « Si l’on fait ce qui est nécessaire à notre propre intérêt national, on n’a pas besoin de s’inquiéter de savoir si un soi-disant sentiment moral est invoqué ou non en dehors des frontières allemandes. »


IV

Le gouvernement avait demandé le droit d’expropriation sans conditions. La Chambre des députés le limita à 70 000 hectares et réduisit ou affecta à d’autres usages le crédit demandé, 400 millions, pour ne laissera la disposition de la Commission de colonisation que 125 millions de marks. Pourquoi 70 000 hectares ? Le rapporteur de la Chambre des seigneurs avoue ne pas savoir sur quels calculs repose ce chiffre. Cet amendement considérable à une mesure si redoutée révèle l’hésitation, disons même la répugnance du Landtag à voter une loi dont il redoute les ricochets. La Commission de la Chambre des députés proposa divers moyens pour atténuer ce que le prince de Bülow appelait lui-même « la grande dureté » du projet. Elle voulut d’abord lier les mains de l’Ansiedlungskommission en instituant un Comité de dix membres, dont six seraient pris en dehors d’elle et auraient droit de veto dans chaque cas déterminé d’expropriation ; ou bien encore, l’expropriation devrait être décidée aux deux tiers des voix. A la Chambre des seigneurs, on proposa d’excepter de l’expropriation les terres héritées ou acquises depuis 1886. Ces motions, ainsi que d’autres plus défiantes et plus restrictives encore, furent rejetées par le gouvernement ; il se rallia à la proposition Adickes, qui mettait hors de cause les biens d’Église et des associations religieuses, mais rétablissait le texte voté par la Chambre des députés.

Le rapporteur de celle Chambre recommanda le projet de loi « en toute sûreté de conscience, » à la condition formelle qu’il en serait fait « un usage doux. » Celui de la Chambre des seigneurs exprima le regret ( que le gouvernement eût placé devant un fait accompli la plus haute Assemblée du pays, disposée pourtant à chercher les moyens viables et efficaces de résoudre la question

  1. Bericht der IX Kom., p. 68.