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l’exemple des « Bamberger, » colons qui vinrent de l’Allemagne du Sud au commencement du XVIIIe siècle. S’ils se sont polonisés, la faute en est à l’administration prussienne qui resta longtemps sourde à leur doléances, et au Kulturkampf. C’est faire injure à tous les Allemands de l’Est que de parler sans cesse du danger de la polonisation. Comment quarante millions de Prussiens pourraient-ils craindre quatre millions de Polonais ? Les Polonais font leur métier, gagnent de l’argent tant qu’ils peuvent, et les Allemands en font autant. Ils parlent du temps passé, s’entretiennent entre eux dans leur langue, chantent des lieder polonais, choses inoffensives. On leur reproche souvent des articles de journaux. On ne peut pas rendre chaque Polonais responsable de ce qu’une tête chaude de sa nationalité, en colère et exaspérée, écrit dans les journaux, pas plus qu’on ne rend responsable chaque Allemand des articles de tel ou tel Allemand[1]. Les Polonais sont des citoyens prussiens ; ils ont leurs droits et leurs devoirs, les droits même s’ils ne remplissent pas tous les devoirs, car les uns et les autres ne sont pas assez étroitement corrélatifs pour qu’on puisse dire : Si vous ne remplissez pas vos devoirs, on supprime vos droits[2].

Presque tous les adversaires de l’expropriation s’efforcèrent de démontrer que le projet était contraire à la Constitution. Le comte de Oppersdoff fit un savant discours plein de sens politique et très remarqué[3]. Le gouvernement prussien s’embarrassa d’autant moins des argumens de cet ordre que, dans la circonstance, le parti national libéral lui-même, plus attaché aux bénéfices du pouvoir qu’à ses traditions, souscrivait à l’esprit de la déclaration du roi Frédéric-Guillaume IV au Landtag uni de 1847 : « Je ne permettrai pas qu’un morceau de papier vienne s’interposer entre le Seigneur Dieu d’en haut et moi, et prétende me gouverner par ses paragraphes à l’instar d’une seconde providence. » Dans les pays où le régime constitutionnel ne résulte pas des lois profondes de l’histoire, il est d’usage de ne déplier ce « morceau de papier » que pour couvrir les initiatives malheureuses du souverain, ou l’opposer, comme fin de non recevoir aux exigences des partis populaires qui s’éveillent à la vie

  1. Chambre des députés, Stenog. Ber., 16 janvier 1908, p. 649-608 (M. Keruth, freisinnig).
  2. Id., Stenog. Ber., 30 nov. 1907, p. 108 (M. Wolff, freisinnig).
  3. Chambre des seigneurs, Stenog. Berichte. Nachtrag 27 février 1908.