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entourant les petites villes d’une zone de colonies qui font vivre le petit commerçant, l’artisan et l’ouvrier allemands, elle empêche l’exode de la population urbaine qui supporte mal les années maigres. Depuis un demi-siècle, les Juifs, utiles agens de germanisation en Posnanie, ont diminué de moitié[1]. Le rôle de la Commission de colonisation est de conserver ou de faire passer la terre aux mains des Allemands, car les Polonais eux-mêmes reconnaissent que c’est la propriété foncière qui décidera de la question de savoir si les provinces de l’Est seront allemandes ou polonaises. La tâche est difficile. Si la Commission leur a pris de la terre, ils l’ont reconquise d’un autre côté. D’après la statistique des mutations de biens, de 1896 à 1906, en onze ans, 75 437 hectares sont passés des mains allemandes en mains polonaises, dans les deux provinces de Posnanie et de Prusse occidentale. Si l’on compte ce qu’ils ont gagné en Prusse orientale, en Poméranie et en Silésie, il faut estimer à près de 100 000 hectares la superficie perdue par les Allemands. Jadis, les Polonais employèrent les méthodes révolutionnaires pour atteindre leur but ; ils nous font aujourd’hui la guerre économique. Enfin la Commission doit pouvoir subvenir aux demandes des colons qui arrivent dans l’Est ; elle n’a de terres achetées que pour faire face aux besoins de deux ans[2].

Mettre de nouveaux fonds à sa disposition sans lui conférer le droit d’expropriation serait donner une prime à la spéculation[3]. Et si le projet est rejeté ou amendé de manière à le rendre inefficace, l’échec de la colonisation équivaut à la déclaration de banqueroute de l’Etat prussien[4]. Un député conservateur adjura les Polonais en ces termes[5] : « Vous dites que vous voulez la paix et non la guerre. Messieurs, cette guerre avec vous nous est très désagréable, mais qu’entendez-vous par une paix qui ne rallie pas vos pensées à l’Etat prussien ? Vous en êtes les sujets depuis cent trente-six ans, et vous dites toujours :


Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais !


Si vous ne voulez pas donner votre cœur, messieurs, alors nous

  1. Bericht der IX Kom., p. 20.
  2. Chambre des députés, 26 nov. 1907 (prince de Bülow).
  3. Bericht der IX Kom., p. 56 (ministre des Finances).
  4. Chambre des seigneurs, Stenog. Berichte, 30 janvier 1908, p. 27 Dr Adickes.
  5. Chambre des députés, Stenog. Ber., 20 nov. 1907, p. 102 (M. de Oldenburg.