Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/533

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par un monarque absolu. Le désir d’un seul homme, fût-il roi, ne pouvait faire fléchir la règle du droit ; ici l’intérêt général, supérieur à celui des individus, est en cause[1]. On dit que nous sommes injustes pour les Polonais. Il n’y a pas d’illégalité commise, puisque les deux conditions de l’expropriation légale sont établies : intérêt général, indemnité. Que n’avons-nous pas fait d’ailleurs pour le bien-être matériel des Polonais ? Chacun sait de quelle façon ils témoignent leur reconnaissance à la Prusse. Si l’on repousse aujourd’hui ce petit moyen de l’expropriation, un jour viendra où il faudra commettre des injustices réelles pour sauver la patrie[2].

L’expropriation, disait-on encore, est une arme de défense, et non une arme d’attaque. Elle a pour but de permettre à la Commission d’avoir des terres, de réaliser son plan, qui donnera la prépondérance à l’élément allemand sur l’élément polonais[3]. Malgré les critiques de détail qu’on peut lui adresser, — que lui adressent les gens de l’Est, parce qu’ils voient l’institution fonctionner de trop près, contrairement aux gens de l’Ouest qui admirent de loin les résultats, — elle fait œuvre bonne, nécessaire. Elle installe dans l’Est une population agricole fixe pour faire contrepoids à l’émigration des Allemands vers l’Ouest[4]. On parle toujours de la supériorité des Polonais : sont-ils plus vaillans économiquement ? Non. Leur force vient de ce qu’ils sont plus solidement fixés au sol. La couche profonde des petits propriétaires et des travailleurs agricoles est la source d’augmentation de la population. Voilà le secret de la faiblesse du germanisme. Cet élément social lui manque dans l’Est ; il faut le créer. Les dénombremens de la population démontrent, depuis 1 871, que la proportion des Polonais est tellement supérieure, que l’on pourrait fixer, avec une certitude mathématique, le jour où le dernier Allemand quittera les Marches de l’Est. Si, en 1903, l’augmentation a été en faveur des Allemands, ce résultat est dû à l’activité de la Commission de colonisation[5]. En

  1. Chambre des députés, Stenog. Ber., 16 janvier 1908, p. 678 (M. Lusensky, national libéral).
  2. Chambre des seigneurs, Stenog. Ber., 30 janvier 1908, p. 31 (Dr Hamm).
  3. Chambre des députés, Stenog. Ber., 26 novembre 1907 (prince de Bülow).
  4. Chambre des seigneurs, Stenog. Ber., 30 janvier 1908 (Dr Adickes, bourgmestre de Francfort-sur-le-Mein).
  5. Bericht der IX Kom., p, 20 et Chambre des seigneurs, 27 février 1908 (ministre de l’Agriculture).