Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est pas nouvelle, » dit l’orateur qui appuya cet ordre du jour ; il la restitua à Bismarck pour lui donner une portée nationale.

M. de Tiedemann dénonça comme traître à la patrie tout Allemand qui vendait sa terre à un Polonais et définit le rôle de l’Ostmarkenverein. Son devoir est d’éclairer l’opinion publique et de proposer des mesures, même si elles devaient le rendre impopulaire, sans se soucier de ce qu’on peut dire par scrupule de conscience. Si la constitution, faite en vue de circonstances différentes, est impuissante à légitimer ses exigences, qu’on la change. La douceur n’est pas de mise en cette affaire, mais seulement la plus rigoureuse sévérité. « Nous ne serons les maîtres que quand nous posséderons le sol[1]. » Les « hakatistes » enregistrèrent le vote de la loi d’expropriation comme une grande victoire[2].

La ligue pangermaniste fît campagne, elle aussi, pour l’expropriation. Le comité de Berlin, se réclamant de ses opinions conservatrices, adressa une pétition au parti conservateur de la Chambre des députés prussiens. Il se montra très sévère pour ces Allemands « sans patrie » et « avides d’argent » qui profitent de la hausse des prix dans l’Est pour livrer leurs terres aux Polonais, et demanda que la loi d’expropriation leur fût appliquée avec la plus grande rigueur. Enfin, sa conception de la politique « réaliste » éclatait dans cette conclusion : le seul moyen de parer au dépècement de la grande propriété allemande est de faire supporter les conséquences de la colonisation à la grande propriété polonaise[3].

Cependant d’autres associations rejetèrent ce moyen de « sauver » la patrie. Le groupe berlinois de la Société allemande de la paix protesta contre une loi qui abaisserait la Prusse aux yeux de l’étranger. Dans la presse, les journaux agrariens ou conservateurs, la Kreuzzeitung notamment, déploraient une si rude atteinte au principe de la propriété. Les grands organes libéraux, la Francfurter Zeitung et le Berliner Tageblatt s’indignaient pour des raisons plus désintéressées. Ils voyaient dans cette politique une violation des principes du droit le plus essentiel, et invitaient ceux qui regardaient encore le respect du

  1. Die Ostmark, septembre 1907.
  2. Id., mars 1908.
  3. Die Ortsgruppe Berlin des Alldeutschen Verbandes an die Konserv. Pa. des preuss. Abgeordnetenhauses, 13 janvier 1908.