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les plus « extérieures, » alors que ses vers sont le plus gais et descriptifs, sont soudain traversées d’un cri humain, ou bien que comme malgré lui et par une pente naturelle de son esprit toujours un peu penché et attentif, elles s’approfondissent en une songerie grave. Il a noté, par exemple, quelques-uns des refrains que chantent les innombrables oiseaux des solitudes boisées, les oiseaux « qui secouent leurs chansons de leurs ailes. » Henry van Dyke les connaît tous, d’après son principe que, « pour avoir de l’intimité avec les petites choses de la terre, il faut pouvoir les nommer par leur nom ; » et chacun de ses réveils après les nuits sous la tente, à l’heure où tous les oiseaux chantent ensemble à plein gosier, semble être pour lui une heure de fête merveilleuse. Il a dit la douceur candide des petites notes simples du moineau, « qui répète son invitation à la joie jusqu’à ce que les champs résonnent de plaisir ; » le chant clair du Veery, un petit oiseau d’Amérique qui chante, paraît-il, moins passionnément que le rossignol d’Italie, plus doucement que l’alouette d’Ecosse, plus gaîment encore que le merle des verdoyans jardins anglais ; qui chante à la fin du jour, dans les forêts du New-England, des notes claires comme des cloches, et que le poète voudrait entendre « le jour où la lumière de sa vie baissera. » Il a exprimé aussi l’intense mélancolie, terne et lasse, dont le Whip-poor-Will, l’engoulevent de la Virginie, emplit les nuits solitaires, et dont le cri perçant et lugubre révéla le premier à l’enfant qui l’écoutait « qu’il peut y avoir de la tristesse sur la terre. » Dans la poésie anglaise, si bien faite pour ces notations fragiles, il y a peut-être des vers plus habiles que ceux-ci et plus évocateurs des chants d’oiseaux ; je n’en sais pas qui donnent davantage la sensation de l’intimité de l’homme avec ces petites choses joyeuses.

Il faudrait maintenant, après avoir étudié l’inspiration et le sentiment poétique de cet écrivain, parler de ses vers en eux-mêmes et dire la qualité de son « métier. » Mais il est presque aussi difficile de parler réellement de la poésie que de la musique. On peut étudier le sujet d’un poème comme d’une symphonie ; on peut essayer de suivre l’effort d’un homme pour enlacer et confondre la pensée et la forme de son art, afin d’en faire, suivant les belles expressions de M. Gabriele d’Annunzio, « ce vers tout-puissant, absolu, immuable, immortel, qui retient en lui la parole avec la cohésion du diamant, qui enclôt