mouvantes ? Véra comprit peu à peu qu’il existait « un murmure de la vie, plus clair que l’action et plus profond que les regards, » qui lui était inconnu. Et elle se sentit comme emprisonnée.
En ce temps-là, le Christ était sur la terre, et Véra se mit à sa recherche. Elle le trouva « et le reconnut à la pitié de son visage. » Elle se mit à genoux devant lui, et lui montrant ses lèvres immobiles, puis ses oreilles, « portes virginales qu’aucune voix n’avait franchies, » elle l’implora avec des yeux qui disaient toute sa peine.
Le Maître resta un instant silencieux, comme s’il songeait aux choses meilleures qu’elle aurait pu demander, puis il sourit et dit : « Entrez, voix des choses vivantes ! mais n’entrez point en tumulte et toutes à la fois ; venez avec douceur, à mon commandement. »
Et d’abord, le vent chanta le prélude de la grande harmonie, puis Véra entendit un ruisseau qui coulait près d’elle, et un oiseau qui passait dans l’air, puis, les unes après les autres, toutes les voix de la terre, et enfin la voix divine du Christ qui l’appelait par son nom.
Quelle extase doit être cette vie nouvelle pour celui qui soudainement entend la voix du monde, et dont le cœur est éveillé brusquement de la nuit silencieuse au jour débordant de musique ! C’est comme une nouvelle création de l’univers, comme si, après la grande semaine de labeur divin et le long repos du septième jour, Dieu eût dit : « Que les choses parlent ! » Le monde répondait avec une joie soudaine, et Véra écoutait. Bientôt elle sut que les chansons des arbres sont aussi diverses que les teintes des feuilles qu’ils portent, que les eaux glissent ou se heurtent avec une musique changeante : tantôt comme des gouttes de pluie sur des feuilles brillantes, tantôt avec une clameur puissante, ou bien en de longs gémissemens rythmés ; que les plus petites créatures ont leur voix à elles, et que, pardessus toutes les autres, la voix humaine a des nuances infinies pour dire la pensée invisible.
Mais bientôt un trouble se mêla à son ravissement : il y avait une note discordante dans le concert des choses. Ce n’étaient pas les bruits sauvages où se révèlent les luttes secrètes de la nature qui la troublaient ; ni les rages de la tempête, ni les complaintes du vent, ni la voix féroce des bêtes en luttes d’amour,