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son âme au cours des années. Y a-t-il rien de plus reposant, de plus joyeux, de plus ennoblissant aussi, que d’avoir, près de la route où l’on se fatigue à marcher, une rivière qui coule, pleine et chantante ? C’est une dispensatrice de lumière ; elle garde jusqu’au soir, et la dernière, ce qui reste de soleil sur la terre, et par la coulée confiante de ses eaux lisses vers le but qu’elle ne connaît pas, elle est conseillère de sérénité. M. van Dyke, qui aime d’amour les rivières, les grandes et les humbles, a eu le rare bonheur d’être accompagné par la poésie, qui leur ressemble, tout le long de son chemin ; et, très simplement, il en a noté la musique changeante.

Sa vie fut simple et unie, mais vécue avec intensité. Le père de Henry van Dyke était ministre presbytérien à Germantown en Pensylvanie, quand son fils naquit en 1852 ; mais peu après, il fut nommé à Brooklyn, et toute la jeunesse du futur écrivain se passa dans cette moitié de New-York où l’enfant, ardent aux joies des pays libres où il passait ses vacances, se complaisait, faute de mieux, à lire des livres d’aventures ; et, inconsciemment enquête de chemins de rêve, suivait des yeux avec amour les vols innombrables des mouettes qui tournoient dans le port. Sa famille était très ancienne sur la terre d’Amérique ; un des premiers bateaux qui, en 1652, amenèrent des Hollandais à la colonie, avait à son bord un van Dyke, qui était de la famille du grand peintre. Etre d’une bonne race influe sur la nature du talent d’un homme ; et si à la vérité on perdrait bien du temps à distinguer ceux des caractères hollandais qu’a pu garder ce descendant du Puritain de 1652, fortement américanisé par deux siècles, il est facile de voir dans ses œuvres que son esprit affiné, sa délicatesse simple et son élégante dignité d’attitude ne sont pas le fruit d’une seule génération.

Comme son père, son grand-père et son bisaïeul, Henry van Dyke fut étudiant de Princeton, et l’un de ses premiers succès poétiques fut même un de ces chants de louange à l’Université choisie, louanges commandées qui sont si froides chez nous, mais qui là-bas, dans ces immenses collèges où passe toute la jeunesse cultivée du pays et qui gardent leurs traditions, leur vie personnelle et leurs refrains, respirent tant d’attachement loyal et de candide fierté. A partir de ces années d’étudiant où son penchant littéraire se dessine pourtant, il se prépare à une vie différente : il suivra la même carrière que son père. Il entre