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Quoique chaque ouvrage, pris isolément, se vendît peu, il paraissait pourtant jadis beaucoup moins de livres que de nos jours. Au milieu du XVIIe siècle, il s’en publiait une moyenne de 300 par an à Paris ; et, dût-on doubler le chiffre pour avoir l’effectif de la France entière, on obtiendrait un total bien modeste auprès des 3 750 volumes édités en 1813, année de début de la Bibliographie générale de la France. En 1821, le total annuel des publications montait à 5 500 ; il s’élevait, au milieu du second Empire (1858-1860), à 12 000 par an et dépassa 14 000 en 1891. Ce fut l’apogée ; depuis dix-sept ans, le chiffre n’a cessé de décroître : tombé à 13 000 en 1901, à 12 000 en 1904, il n’a pas atteint 11 000 en 1906 et 1907. Est-ce une crise ? Est-ce une évolution qui commence ?

La matière des livres, aux différentes époques, n’a pas varié moins que leur nombre : 44 pour 100 des ouvrages parus en 1645 traitaient de religion ; c’étaient des textes sacrés ou des homélies, des ouvrages de théologie ou de piété ; en 1813, les livres de ce genre ne forment plus que 10 pour 100, et, en 1907, que 4 pour 100 du total. La poésie représentait, en 1813 comme en 1645, 10 pour 100 de l’effectif ; elle est aujourd’hui tombée à 3 pour 100. En 1645, 20 pour 100 des publications étaient des livres d’histoire, dont plus de moitié à vrai dire traitaient de l’histoire ecclésiastique ; en 1813, l’histoire, et les études qui s’y rattachent, n’absorbe que 10 pour 100 et, en 1907, 15 pour 100.

En revanche, 13 pour 100 des ouvrages de 1907 ont pour objet les sciences médicales, au lieu de 3 pour 100 en 1645 et de 4 pour 100 en 1813 ; 15 pour 100 des livres actuels sont des romans ou du théâtre, proportion peu supérieure à celle de 1813 mais très différente des 4 pour 100 de 1645. La même progression se retrouve dans les livres d’éducation ou d’instruction, passés de 4 pour 100 au XVIIe siècle et au commencement du XIXe, à 14 pour 100 en 1907.

Les autres genres ont peu varié ; parfois même leurs variations ne se sont pas produites dans le sens que pourraient faire supposer les préoccupations respectives des deux époques : sur l’Art militaire par exemple, il se publiait proportionnellement un peu moins de livres en 1813, en pleine épopée napoléonienne, qu’en 1907, après trente-six ans de paix ; sans doute la pratique de la guerre était trop passionnante, il y a cent ans, pour que sa théorie offrît de l’intérêt.