Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

furent-ils des cadeaux plutôt que des droits. Représenté d’abord à Fontainebleau, sur le théâtre de la Cour, cette audition unique du Devin valut à Jean-Jacques un présent royal de 5 400 francs ; il en reçut un autre de 2 700 francs de la part de Mme de Pompadour, qui fit jouer la pièce à Bellevue où elle parut elle-même dans le rôle de Colin.

Mis à la scène à Paris, Rousseau ne perçut de l’Opéra qu’une somme de 2700 francs, inférieure, dit-il, à celle qui eût dû lui revenir dans les « règles. » Joignez à cela 1 125 francs de Pissot pour la gravure de la partition, le tout formait un total de 11 925 francs ; « en sorte, dit Jean-Jacques dans ses Confessions, que cet intermède, qui ne me coûta que cinq ou six semaines de travail, me mit en état de subsister plusieurs années et me rapporta presque autant que l’Emile, qui m’avait coûté vingt ans de méditations et trois ans de travail. »

Le Dictionnaire de musique fut offert par Rousseau à Duchesne pour 10 460 francs ou, à son choix, 5 400 francs payés comptant et une pension viagère de 660 francs. Le libraire préféra ce dernier mode de paiement (1765) et servit la pension durant douze ans jusqu’à la mort de l’auteur.

Quant aux autres livres de Jean-Jacques, ses lettres nous apprennent que la Nouvelle Héloïse fut payée 4 860 francs, le Contrat social 2 200, les Lettres de la Montagne 2 200, la Lettre sur les Spectacles 1 620 francs ; le tout après de minutieux débats avec ses éditeurs. Il les excite, les caresse et les menace tour à tour. Ses propositions tardent-elles à être acceptées, il annonce « qu’il se présente pour lui une occasion beaucoup plus avantageuse de disposer de son ouvrage. » Même après avoir traité, il tient à leur faire savoir qu’« un directeur de journal est venu lui en offrir le double. »

Il est d’ailleurs très prudent : « Pour le Contrat social, dit-il, je ne veux pas m’en dessaisir sans argent… ; vous apprécierez la générosité que je vous fais en vous cédant pour [2 200 fr.] un manuscrit dont j’aurai toujours le double et même [5300 francs] quand il me plaira. » Il discute pied à pied : « L’étendue du nouveau livre est à peu près la même que celle du précédent ; il doit valoir le même prix. » Pour l’Emile, il laisse entendre à Amsterdam qu’il en aurait pu tirer 20 000 francs, offerts par le canal du curé de Groslay ; il écrit en même temps, à Paris, qu’on lui en propose 10 560 francs : « . C’est mon dernier ouvrage. Il faut