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« J’ai transformé, disait-il à l’ambassadeur d’Autriche, la guerre en une paix armée et j’ai à cœur de changer celle-ci en une paix définitive. » Il déclara en même temps à l’ambassadeur de Russie : « Nous reconnaissons les faits accomplis, mais il faut qu’ils soient accomplis, sans quoi la France ne peut que s’abstenir de toute transaction pour le moment. »

L’empereur Nicolas accueillait avec froideur les vœux et les ouvertures du nouveau ministre français. Il trouvait celles-ci « un peu hautaines, à la manière française. » Il ne voyait également aucune nécessité de conclure « un acte final. » Sous ce terme, le gouvernement français entendait soit une convention des Détroits, soit une convention de garantie générale de l’intégrité de l’Empire Ottoman. Le gouvernement impérial comprenait parfaitement le but de ces ouvertures. « La chose est fort simple, cher comte, » écrivait le vice-chancelier au comte Pahlen le 6/18 mars 1841. « La France voudrait nous isoler pour sortir de son isolement. Accepter les faits accomplis et les consacrer dans un nouvel acte, c’est de sa part renoncer solennellement à son protectorat sur Alexandrie. Il faut donc, par compensation, que nous ayons l’air de renoncer à notre protectorat sur Constantinople. Mais la Russie ne se laissera pas prendre dans ce piège et ne consentira pas à faire cesser, à ses propres frais, l’isolement de la France. L’Angleterre également ne s’y est pas laissé prendre. Si la France veut participer à la signature de la convention des Détroits, qu’elle le fasse. Mais le Cabinet impérial doute qu’elle y consente. Quoi qu’il en soit, c’est indifférent qu’elle signe ou ne signe pas cette transaction. Un acte écrit changera au fond très peu de chose à la position actuelle du Cabinet des Tuileries, dit le vice-chancelier en terminant. Son isolement cessera sans acte écrit, si la France cesse de vouloir seule autre chose que ce que veut l’Europe réunie. »

La signature de la convention des Détroits n’avait pas contribué à améliorer notablement les relations entre la Russie et la France. Elles étaient restées « d’une grande retenue, » pour user des paroles du comte Nesselrode dans son rapport pour l’année 1841. Le comte Pahlen s’absentait souvent de Paris, tantôt pour une cure à Carlsbad, tantôt pour ses propres affaires à Saint-Pétersbourg. Il revint à Paris en août et en repartit en octobre. D’après les informations de Kisselew, chargé d’affaires en son absence, ce dernier départ fit beaucoup parler