Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

science. Nulle part il ne la condamne comme fausse[1], bien qu’il lui arrive, — ce qui n’est pas la même chose, — de la déclarer inutile et vaine. L’idée, née à peine de son temps et bien confuse encore, que la science puisse faire sérieusement échec à la foi, ne l’a pas effleuré, et c’est, comme M. Lanson l’a marqué avec force, parce qu’il ne cherchait pas dans la science une philosophie qu’il a pu s’y livrer sans scrupule. Soit avant, soit après sa grande « conversion, » c’est-à-dire la crise qui, d’un chrétien extérieur, fit de lui un vrai chrétien, « il fut simultanément et paisiblement croyant et savant, » n’ayant jamais renoncé ni à la science ni à la raison, se moquant volontiers de la présomption des savans et des philosophes, mais gardant toute son estime pour le raisonnement logique et pour les méthodes de la science.

Assez longtemps il chercha le chemin de la foi et, du même coup, sa méthode apologétique ; car les deux recherches n’en faisaient qu’une. C’est dans son expérience personnelle qu’il devait finalement trouver la meilleure marche à suivre pour la démonstration de la vérité religieuse.

Il avait entendu souvent Etienne Pascal, son père, bon catholique à la façon de Descartes, professer que ce qui est matière de foi ne saurait être l’objet des argumens de la raison. Et il avait entendu aussi un certain capucin défroqué, docteur en théologie, Jacques Forton dit Saint-Ange, soutenir, au contraire, qu’un esprit vigoureux peut, sans le secours de la foi, parvenir par le raisonnement seul à l’intelligence des mystères de la religion. Blaise, qui n’était pas l’homme des idées moyennes et dont la dialectique impétueuse se précipitait d’un extrême à l’autre, paraît avoir d’abord admis ces deux thèses successivement sans les concilier. Certes, il n’était pas de l’avis de Saint-Ange, quand il l’a violemment dénoncé, poursuivi comme hérétique, jusqu’à ce que le pauvre capucin eût signé une rétractation dont les termes furent arrêtés par M. Pascal père. Mais il ne s’en tenait pas non plus à l’opinion de celui-ci, puisque, dans un entretien avec M. Rebours, confesseur de Port-Royal, il avança un paradoxe qui ressemble singulièrement à celui de Saint-Ange.


Comme il causait avec M. Rebours, il lui dit qu’il serait possible de démontrer, par les principes mêmes du sens commun, beaucoup de choses

  1. Ed. Droz, Étude sur le scepticisme de Pascal.