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devait produire à Paris la nouvelle de la conclusion de la convention de Londres du 3/15 juillet, concernant l’Egypte. Sans le concours de la France, quatre puissances de l’Europe avaient statué définitivement sur le sort du vice-roi et la situation internationale de l’Egypte. L’exclusion de la France de cet acte international d’une haute importance fut considérée par tous les partis politiques comme une atteinte grave portée à la dignité de la nation française. Le mot de guerre se trouvait dans toutes les bouches, et le gouvernement prenait les mesures les plus actives pour la mobilisation de l’armée. Une levée de 700 000 hommes était ordonnée, et la flotte appareillait pour prendre la mer. Cette ardeur belliqueuse des Français ne causa aucune alarme à l’empereur Nicolas. Les réflexions et les résolutions qu’il inscrivait sur les rapports du vice-chancelier présentent un grand intérêt. Nous croyons devoir en signaler une. Lorsque Tatistchew, ambassadeur de Russie à Vienne, annonça à l’Empereur que le prince Metternich, dans la crainte d’une déclaration de guerre de la France, proposait de convoquer une conférence diplomatique spéciale à Wiesbaden pour modifier la convention qui venait d’être conclue à Londres, Nicolas écrivit que la pensée du chancelier d’Autriche était raisonnable, mais-impossible à réaliser. Jamais le roi des Français ne se soumettrait de plein gré à la volonté des puissances. « Mais, continuait l’annotation impériale, ce qu’il (le prince Metternich) exige de L. P. (Louis-Philippe) est fou, car il oublie que L. P. est devenu zéro ; le véritable pouvoir n’est plus à lui ; il est à Thiers ; comment peut-il donc renverser Thiers, au moyen de quoi ? Je ne comprends pas. »

Une autre réflexion de l’empereur Nicolas Ier est encore plus caractéristique. Lord Palmerston proposa au Cabinet impérial de défendre, le cas échéant, la convention de Londres à mains armées contre la France. Après avoir pris connaissance des rapports de ses représentans à Londres, à Paris et à Berlin, l’Empereur prit la résolution suivante, dûment motivée, le 9/21 août 1840 : « Toutes ces pièces sont du plus haut intérêt et de la nature la plus satisfaisante pour moi. Je ne balance pas un instant à m’associer à la déclaration à faire à la France, comme conséquence du traité qui vient d’être conclu. Mais il faut rédiger cette déclaration de façon qu’elle ne soit valable que tant que l’Empire Ottoman existe. Je ne puis pus me lier les mains pour