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rait à aller à la Conférence, dont la probabilité a singulièrement baissé du jour au lendemain au thermomètre diplomatique. En même temps, un autre bruit courait, à savoir que la Porte armait, et qu’elle avait déjà donné des ordres de mobilisation. La Bulgarie, disait-on, en faisait autant de son côté. Le danger de guerre est apparu subitement à tout le monde, et tout le monde en a été alarmé. Ce sentiment, très respectable à coup sûr, a produit un bon effet. Il est certain que la Porte avait donné des ordres de mobilisation ; mais, soit qu’elle ait reculé spontanément devant les conséquences d’une pareille mesure, soit qu’elle ait suivi de bons conseils, elle les a rapportés. La Bulgarie a protesté de son côté qu’elle n’avait jamais eu l’intention de provoquer la Turquie, et qu’elle désirait vivre avec elle en bon voisinage. De part et d’autre, les dispositions ont paru plus conciliantes et, l’idée de la Conférence ayant provisoirement perdu de son prestige, on a pensé que le moment était opportun pour entamer des négociations directes entre la Bulgarie, l’Autriche et la Turquie. Si elles se mettaient d’accord, qu’aurait eu à dire l’Europe ? Elle n’aurait pas pu se montrer plus ottomane que la Porte ; elle n’aurait eu qu’à consacrer ce qui aurait été convenu entre les puissances spoliatrices et la puissance spoliée. Cette conséquence n’est pourtant pas d’une rigueur parfaite. L’Europe, au Congrès de Berlin, a concilié ses propres intérêts avec un certain équilibre oriental, et elle a le droit incontestable de veiller à ce que cet équilibre soit maintenu, ou à ce qu’il ne soit modifié que dans des conditions où ses intérêts continueraient de trouver une suffisante sauvegarde. Il n’en est pas moins vrai qu’un accord direct entre Constantinople, Vienne et Sofia aurait eu un très grand poids. Mais il ne s’est pas fait. On a dit d’abord que les négociations avaient été rompues, puis qu’elles avaient été interrompues. Quoi qu’il en soit, après l’éclipsé provisoire de l’idée d’une conférence, on a dû enregistrer l’échec des négociations directes, et la Conférence a regagné aussitôt dans l’opinion quelque chose de ce qu’elle y avait perdu. Les dépêches de Constantinople ont annoncé que la Porte s’y ralliait de nouveau. Quelles avaient été les exigences de l’Autriche et celles de la Bulgarie ? On ne le sait encore qu’imparfaitement ; les nouvelles sont contradictoires et obscures. Mais, quelles qu’elles aient été, ces exigences n’ont pas été admises à Constantinople : il fallait donc trouver une nouvelle manière de procéder, ou revenir à l’ancienne, c’est-à-dire à la Conférence. Et on en est là.

A Vienne, on a accusé le gouvernement anglais d’avoir fait échouer les négociations directes, et la presse a même mis beau-