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qu’on le discute le matin devant des banquettes vides ; et cependant la Chambre en est à un des points les plus importans de la loi, celui-qui établit un impôt sur les bénéfices agricoles. On ne saurait contester à cet impôt le fait d’être nouveau, ce qui jette déjà sur lui un préjugé défavorable, et il ne sert à rien de soutenir qu’il en remplace d’autres qu’on a supprimés, car cela n’est pas vrai. L’impôt foncier subsiste sous le nom d’impôt sur les propriétés bâties et d’impôt sur les propriétés non bâties, et quant à l’impôt personnel-mobilier et à l’impôt sur les portes et fenêtres, qui étaient en réalité dans notre système fiscal un impôt général sur l’ensemble du revenu, ils trouvent largement leur équivalent dans l’impôt complémentaire. Aussi l’impôt sur les bénéfices agricoles est-il très impopulaire, et s’il est indispensable au système de M. Caillaux qui, frappant successivement toutes les sources de revenus, ne peut pas faire d’exception pour celle-là, il condamne le système lui-même. M. Caillaux s’est appliqué, pendant les vacances, à la recherche d’un texte qui atténue, sans les supprimer, quelques-uns des inconvéniens les plus lourds de l’impôt, et l’initiative parlementaire, renchérissant sur la sienne, a produit un grand nombre d’amendemens que la Commission étudie en ce moment. Le dernier texte du ministre et les amendemens ont tous pour objet de rendre l’impôt moins odieux en y introduisant des inégalités qui lui enlèvent sa seule excuse, à savoir le caractère de justice que lui attribuait son auteur. La Chambre a accepté le principe de l’impôt, en se réservant sans doute d’en détruire l’équilibre encore un peu plus que ne l’avait fait M. Caillaux, et c’est là qu’on en est. Dans l’avenir il arrivera de deux choses l’une : ou bien les autres revenus réclameront très légitimement qu’on leur applique la même échelle fiscale qu’aux bénéfices agricoles, ou bien on appliquera peu à peu aux bénéfices agricoles la même échelle qu’aux autres revenus. Dans le premier cas, la réforme ne produira pas ce qu’on en attend, et le budget sera cruellement en déficit. Dans le second, on aura trompé les agriculteurs en leur faisant espérer des avantages, des privilèges, des dégrèvemens qu’on leur accordera en effet pour faire voter la loi, mais qu’on leur enlèvera le lendemain, ouïe surlendemain.


La lumière ne s’est pas faite depuis quinze jours du côté de l’Orient : le plus sage est de réserver son opinion sur des événemens embrouillés dont il est impossible de prévoir comment ils évolueront. Sera-ce dans le sens d’une conférence ? Sera-ce dans un autre ? Les