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la superbe à l’aveu de sa défaite : il nous avait montré une maison, minée par un sourd travail intérieur et qui s’effondre, une race démissionnaire et qui abdique. Le théâtre nous doit le spectacle d’une volonté en lutte contre une autre volonté ou contre des obstacles matériels. Il fallait donc que l’économie de toute l’œuvre fût modifiée profondément. Accentuer le rôle de Landri, souligner l’opposition des deux hommes, c’est en quoi a consisté le travail de l’auteur dramatique. Le mérite de M. Bourget est de ne pas s’être contenté d’adapter un roman à la scène, comme on le fait trop souvent. Sa pièce est une autre version du même sujet. Elle a réussi par les mêmes qualités qui, dans une œuvre précédente, avaient fait merveille : la franchise de l’action, la simplicité des moyens, mais disons aussi la noblesse de la conception. Il n’y a ici que d’honnêtes gens ; on est reconnaissant à l’auteur de nous transporter dans une atmosphère morale qui contraste avec celle de tant d’autres pièces d’aujourd’hui ! Après l’éclatant succès du Divorce, c’était pour M. Bourget jouer une grosse partie que de tenter de nouveau la fortune du théâtre. On peut dire que l’auteur de l’Émigré l’a gagnée. De telles œuvres sont un honneur pour notre scène.

M. Guitry a assumé la tâche difficile de personnifier le marquis de Claviers-Grandchamp. Il serait puéril de remarquer qu’il n’est pas l’homme du rôle. Louons-le plutôt de l’intelligence avec laquelle il s’est tiré d’une épreuve ardue. Il n’est ni Bressant, ni même Delaunay, mais il est lui-même. A défaut d’une distinction qui chez lui aurait toujours semblé empruntée, il nous a conquis par sa belle cordialité. Il est éminemment sympathique. Et il a des momens de passion, de colère, d’émotion, de violence qui ont fait sur le public une impression très vive. M. Capellani a mis beaucoup de chaleur dans le rôle de Landri. Mlle Dorziat a de la mélancolie et de la grâce dans le rôle un peu effacé de Mme Ollier. M. A. Dubosc a joué avec un tact dont il faut beaucoup le féliciter, la fameuse scène du « délire onirique. »


M. Henry Bernstein est un des écrivains de la jeune génération les mieux doués pour le théâtre. Nous avions déploré jusqu’ici qu’il eût adopté une manière brutale où il était condamné à une sorte de fâcheux crescendo. Et nous regrettions qu’il prêtât à ses personnages un dialogue trop fleuri de termes d’argot. Sa dernière pièce, Samson, poussait jusqu’à l’exaspération tous ces défauts. M. Bernstein semble avoir compris qu’il faisait fausse route, qu’il gâchait un talent