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REVUE DRAMATIQUE


RENAISSANCE : L’Emigré, pièce en quatre actes, par M. Paul Bourget. — THEATRE REJANE : Israël, pièce en trois actes, par M. Henry Bernstein. — COMEDIE-FRANÇAISE : Le bon Roi Dagobert, comédie en quatre actes en vers, par M. André Rivoire.


Chaque fois qu’on nous donne une pièce tirée d’un roman, le critique soucieux des principes et respectueux des bonnes méthodes nous conseille : « Oubliez le roman ! Ignorez qu’un roman ait déjà été écrit sur ce sujet ! » Et souvent en effet nous y arrivons sans trop de peine. Mais il est bien impossible d’entretenir les lecteurs de cette Revue de l’Emigré, comme s’ils en entendaient parler pour la première fois. Le marquis de Claviers-Grandchamp est de ceux qui ne se laissent pas si facilement oublier. Cette figure, une des plus puissantes qu’il y ait dans le roman contemporain, reste gravée une fois pour toutes dans la mémoire. On sait le phénomène qui se produit à propos de ces créations de la littérature. Après quelque temps écoulé, il se peut que nous n’ayons plus aussi présens à l’esprit le récit lui-même et ses incidens ; mais le personnage, se dégageant peu à peu de la fiction à laquelle l’auteur l’avait mêlé, émerge à mesure et prend place parmi les types d’humanité en qui nous nous habituons à personnifier une idée, un tempérament, une classe sociale. Il s’en faut que celui-ci ait été du goût de tout le monde, et on a bataillé ferme autour du héros de M. Paul Bourget. Plusieurs ont su gré au romancier d’avoir prêté si grande allure et si beau langage au représentant de la vieille France. D’autres lui ont reproché, non sans âpreté, d’avoir incarné toute l’aristocratie dans ce gentilhomme fastueux et inutile. Ce que nul n’a contesté, c’est que le type se détachât en plein relief. Il est l’émigré à l’intérieur, tel qu’on peut le rencontrer dans