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LA VOIX


Je sais de vous bien peu de chose, ô mes ancêtres,
Peu de ces traits vivans, pleins d’un sens lumineux,
Qui montrent au regard le fond natif des êtres
Et dans un clair relief dessinent chacun d’eux.

Vous avez eu pourtant vos façons, vos usages,
Vous avez éprouvé des haines, des amours,
Des désirs… oh ! combien dans la longueur des âges,
Dans les siècles formés de tant et tant de jours !

Un flux d’ombre a repris cette brillante flamme :
De quelques-uns de vous les actions d’éclat
Demeurent, mais non pas l’intime accent de l’âme,
La nuance du cœur ardent ou délicat.

Moi, j’ai manifesté mon être en plus d’un livre,
Je me suis tellement épanché dans mes vers
Qu’on pourra, si l’on veut, me chercher et me suivre,
Vivant, tel que je fus sous l’orbe des cieux clairs.

Cette inégalité de nos destins m’afflige :
Tel de vous dont le nom dans l’ombre épaisse dort
Méritait mieux que moi de laisser un vestige
Qui l’eût dans l’avenir préservé de la mort.

Mais il est un espoir par où je me console,
C’est que, vous ressemblant de très près, ô douceur !
Quand je parle de moi, ma fidèle parole
Révèle aussi vos cœurs d’où s’est formé mon cœur.


LES FLEURS DE L’AÏEULE


Ayant rêvé de vous là-haut dans ma maison,
Je suis venu revoir sous son proche horizon,
Au pied du coteau, vers la plaine