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au travail ; elles ne le sont pas toutes quant à l’État ; toutes actives professionnellement, elles ne le sont pas toutes politiquement : on y compte des femmes, des mineurs et des incapables. Il ne paraît pourtant pas douteux qu’en transportant dans l’ordre politique quant au suffrage ce qu’on vient de relever dans l’ordre économique quant à la position, les proportions ne demeurent sensiblement les mêmes. Les intérêts, — ce que d’autres appellent : « les intérêts de classe, » — et, en tant qu’ils les déterminent ou qu’ils les commandent, les opinions se rangent donc ainsi : et ainsi, des deux tas qu’on en peut imaginairement former, le plus gros dépasserait l’autre du tiers ou de la moitié de sa hauteur.

Je prends bien garde de ne pas oublier que, tant de millions de personnes étant en cause, toutes n’ont pas sans doute la claire et sûre perception de leur intérêt, ni même de ce qu’elles croient ou de ce qu’on leur affirme être leur intérêt ; que beaucoup, si ce n’est la plupart, se décident par bien d’autres et de tout autres raisons, si ce n’est sans raison et contre toute raison. Je sais la place qu’il faut faire à la pression, à la corruption, aux tentations, aux menaces, à la camaraderie, à la crainte, aux mille dépendances matérielles et morales qui emprisonnent les hommes dans l’entre-croisement de leurs liens, tantôt des chaînes et tantôt des fils, visibles ou invisibles. Je n’élimine rien de tout ce qui peut venir obscurcir « l’intérêt de classe, » le combattre et l’affaiblir ; mais je dis, ou plutôt je répète qu’au faire et au prendre, dans la mesure où il est permis de diviser la société en classes et de retrouver en cette division les cadres de ces deux partis éternels et universels, le parti des gens qui, selon des proportions extrêmement et presque infiniment inégales d’ailleurs, de fort peu à énormément, détiennent l’argent, et le parti de ceux qui courent après, le nombre est du côté de ceux qui ne l’ont pas, de ceux qui n’ont pas d’ « établissement » ou n’en ont qu’un si précaire qu’ils sont sans cesse en danger de n’en plus avoir, de ceux enfin qui doivent chaque jour demander à un travail manuel ou intellectuel ou mixte, comme ouvriers ou comme employés, la subsistance de ce jour.

Sur les 37 hommes occupés à des travaux agricoles quelconques pour 100 hommes au total (hommes seulement), lesquels 37 pour 100 représentent la part de l’agriculture dans l’ensemble du travail français, combien ne sont que des journaliers, ou,