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ils s’adressent. Réservés envers les grands, ils n’usent d’aucun ménagement lorsqu’ils traitent avec les faibles. » Tout cet écrit dénote une hostilité marquée contre le roi Louis-Philippe et ses ministres. Mais les auteurs du mémoire s’accordent en même temps à constater l’impuissance des trois Cours du Nord dans leurs efforts pour imposer leur volonté à la libre nation française. Ainsi, par exemple, en esquissant le portrait de Thiers, ils l’appellent « une espèce d’être à part, » avec lequel tous les ministres doivent compter. Les Observations signalent en dernier lieu la solidité de l’accord entre la France et l’Angleterre, car les deux puissances sont pénétrées des mêmes « idées révolutionnaires » et de la même « haine contre les Souverains. »

En 1834, les relations diplomatiques entre la Russie et la France n’ont été marquées par aucun événement nouveau, quelque peu saillant. La question d’Orient continue toujours à être l’objet d’un échange d’idées entre les deux Cabinets, et en France un ministère tombe après l’autre.

Lorsqu’on janvier 1834 le duc de Broglie déclara à la Chambre des députés qu’il partageait les tendances anti-russes de Bignon, rapporteur de l’adresse, il souleva non seulement l’indignation de l’ambassadeur de Russie, mais aussi à un haut degré l’étonnement du Roi et des autres ministres. Le Roi dit au comte Pozzo di Borgo que M. de Broglie s’était conduit « comme un enfant. » A son avis, c’est sur le régime parlementaire que devait retomber la responsabilité de cette maladresse ; il en reconnaissait les inconvéniens, mais, disait-il, « je me garderai d’en violer les principes et les règles, parce que j’en sens les conséquences. Si Charles X avait pris patience comme moi, il y serait encore. »


VI

À ces confidences sur le compte de ses ministres, Louis-Philippe en ajouta bientôt d’autres, plus piquantes. A la fin de janvier, le Roi exprima au comte Pozzo sa grande satisfaction à l’occasion de la réception flatteuse, dont avait été honoré à Saint-Pétersbourg le maréchal Maison, nouvellement accrédite comme ambassadeur de France à la cour de Russie. « Je veux, » dit le Roi, « que l’Empereur sache mes sentimens à cet égard. M. de Broglie ne les aura pas exprimés ; je penserai si je dois écrire une lettre directement à Maison, en la jetant demain à la