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justifier des encouragemens donnés à des attentats contre l’ordre établi dans les États étrangers : quant aux sociétés secrètes polonaises, italiennes et allemandes qui s’abritent sur le territoire français, elles ne sont ignorées de personne. « Un pareil état de choses, » poursuit le comte Nesselrode, « toléré et même protégé là où il s’est établi, est incompatible avec une paix sincère et véritable, puisqu’il met les autres gouvernemens dans la nécessité de se tenir constamment sur la défensive. Il est contraire aux relations d’amitié et de confiance que les trois Cours voudraient entretenir avec la France. » Bien plus, il est contraire à tous les principes du droit public, « puisque aucun État, quelles que soient les formes de son gouvernement, ne peut s’arroger le droit d’imposer à d’autres les principes qui le régissent ou de laisser former et organiser dans son sein des associations qui leur seraient hostiles. » En vertu de ces considérations, « les trois Cours se trouvent fondées à demander la suppression des Comités (ou associations) mentionnés plus haut. »

Le comte Nesselrode résume son argumentation dans le principe suivant : « Si un souverain n’est pas assez fort pour dompter par ses propres moyens une révolte qui aura éclaté dans ses États, il a le droit d’appeler telle autre Puissance à son secours. » Les trois puissances sont fermement résolues à appliquer ces principes aux autres nations : « elles seront toujours prêtes à employer leurs forces réunies pour appuyer l’intervention légitime de quelque part qu’on voulût l’empêcher et la combattre. »

Ce rétablissement de la théorie de la Sainte-Alliance, déjà irréparablement ébréchée, devait provoquer l’indignation du gouvernement de Louis-Philippe. Il impliquait la condamnation absolue de tout ordre de choses politique et public, établi en France. Aussi comprend-on que, lorsque l’ambassadeur de Russie se présenta chez le duc de Broglie, avec ses collègues d’Autriche et de Prusse, pour lui remettre officiellement les dispositions du congrès de Münchengrætz, le ministre les reçut avec froideur et réserve. Il leur déclara qu’il reconnaissait à chaque État le droit incontestable de s’organiser et de régler sa conduite selon ses propres intérêts et sa situation. Enfin, désirant parer le coup des trois monarchies du Nord, il dit au baron de Werther, ministre de Prusse, qu’il se félicitait de l’accord de ces puissances pour contenir les ennemis de l’ordre public dans les limites