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éveiller au travail conscient les masses sans but et stupides. Cette idée lui vint en prison, en 1864. En 1873, il y avait onze associations de paysans.

Le Kulturkampf et la guerre scolaire décuplèrent cette puissance ; en 1880, elles étaient 120. Le rôle des Bauenwereine, « porteurs de l’idée nationale, » est de monter la garde autour de la propriété polonaise pour l’empêcher de tomber aux mains des Prussiens. La Posnanie est divisée en 26 circonscriptions rurales commandées par autant de vice-patrons. Le « patron, » signe vivant de l’union des 300 associations paysannes, est le chef de la propagande. Un secrétaire permanent rédige une feuille hebdomadaire, moniteur officiel de l’institution, fait la correspondance d’affaires, s’occupe des caisses. Chaque association a un président et se réunit une fois par mois pour traiter et décider des questions économiques à l’ordre du jour : ventes, achats, expositions, annonces, etc. Chaque circonscription tient tous les ans une assemblée particulière où l’on présente le tableau des progrès économiques accomplis, où l’on discute des rapports, où les hommes de valeur font leurs preuves et se mettent en vue. Au printemps, une assemblée générale a lieu ; chaque association y envoie son président et un délégué. On la fait coïncider avec l’assemblée des grands propriétaires et la ville de Posen voit, pendant une « semaine agricole, » défiler dans ses rues un millier d’hommes qui sont l’image réduite d’une force dont Bismarck n’avait évidemment pas prévu le développement.

Au-dessous des paysans, se meut la masse des ouvriers agricoles polonais. Ce n’est pas une classe organisée ; c’est un état intermédiaire sans cesse transformé par le désir d’accession à la propriété et sans cesse alimenté par la famille prolifique du possesseur des petites parcelles, qui effritent le sol dans une proportion de 25 à 30 pour 100 de la superficie totale. Une partie gagne sa vie dans les provinces de l’Est ; la grande majorité se répand dans toute l’Allemagne, au moment des récoltes. On appelle Sachsengängerei cette migration saisonnière. Nous ne nous occuperons des Sachsengänger que dans la mesure où ils prennent part à la lutte pour le sol. C’est donc au retour de leurs campagnes des moissons, des betteraves et des pommes de terre que nous calculerons la force qu’ils représentent, au moment où ils vident leur bourse de cuir dans la