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en 1885, 1 567 artisans dont 825 Allemands et 742 Polonais ; en 1905, il n’y en a plus que 1 506, dont 715 Allemands et 791 Polonais. L’exemple de Santomischel, gros bourg enclavé dans de grandes terres, peuplé de 1 400 habitans et dont la population n’a augmenté, en vingt ans, que de 17 unités, est encore plus démonstratif. En 1885, il y avait 77 artisans dont 55 Allemands et 22 Polonais. En 1905, il y en a 68, dont 13 Allemands et 55 Polonais. Bref, dans le premier cas, les Allemands gagnent 32 pour 100 et les Polonais 28 pour 100 ; dans le second cas, les Polonais gagnent 6,60 pour 100 et les Allemands perdent 10,42 pour 100.

Toutes ces villes se sont agrandies, assainies, embellies ; elles rendent un joli témoignage de la prospérité des deux provinces. Posen a pris l’allure d’une capitale, avec une population de 137 000 habitans. L’ancienne résidence des rois de Pologne s’est développée vers l’Ouest, du côté où le conquérant est arrivé. Des monumens du genre colossal lui donnent aujourd’hui un caractère germanique. Le château royal, masse imposante de pierres, allégée par des rosaces, ajourée par des meurtrières et des fenêtres géminées, flanquée de clochers et de tours du guet, assemblage inspiré de cathédrale romane et de vieux burg, d’aspect féodal et mystique, a été construit récemment pour frapper l’imagination slave. La Commission de colonisation a voulu affirmer la nécessité de continuer l’œuvre commencée en faisant peser sur le sol un bâtiment qui tient de la caserne et du palais, comme il convient pour abriter un pouvoir nouveau. De grandes façades neuves derrière lesquelles travailleront les différentes administrations de la province ; des manoirs d’argentiers enrichis dans la guerre économique et sur le front desquels on a gravé cette réclame : « Souviens-toi que tu es Allemand, » expliquent enfin au voyageur le sens des événemens qui se déroulent dans ce pays depuis vingt ans. Au cœur de la cité, l’Hôtel de Ville, fière ruine délaissée, semble, avec ses galeries à colonnades d’où l’on haranguait le peuple au temps où il délibérait sur ses propres affaires, protester contre la domination prussienne. A l’Est, séparée de la ville allemande par la Warthe, protégée par le faubourg slave de Wallischei, solitaire dans une île, la cathédrale se dresse comme un symbole : l’église est le dernier refuge où la nation polonaise puisse rendre publique une pensée commune.