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la solution de la crise en Orient. (Dépêche du comte Nesselrode du 28 mars/9 avril 1833.)

Pozzo aborda avec ardeur la mission importante qui lui était confiée. A peine revenu de Londres, il entra en pourparlers avec le duc de Broglie et avec le Roi lui-même, en s’appliquant à leur démontrer qu’il était de l’intérêt de la France d’entrer dans une alliance avec les grandes puissances. Le duc de Broglie se montra disposé à agir de concert avec la Russie, en vue de la pacification de l’Orient. Il promit de contenir l’ardeur de l’ambassadeur de France à Constantinople. Mais Pozzo comprenait que tout dépendait du Roi qui « gouverne, disait-il, ses ministres selon sa volonté et le royaume comme il peut. » C’est surtout dans les questions de politique extérieure que le Roi n’admettait aucune indépendance de son gouvernement.

A une des soirées suivantes, le comte se rendit chez la Reine qui recevait tous les jours les membres du corps diplomatique. Le Roi vint aimablement à sa rencontre et s’empressa de confirmer les assurances du duc de Broglie : il n’avait nullement l’intention de provoquer une catastrophe en Orient. Son unique désir était de maintenir la paix et d’amener une réconciliation du sultan avec Mehemet-Ali.

Le comte Pozzo di Borgo lui ayant déclaré que telles étaient également les intentions de son souverain, le Roi l’interrompit avec précipitation et lui dit : « J’en suis d’autant plus persuadé que l’Empereur doit être convaincu que l’Europe ne lui permettra jamais de s’établir sur ce point. » Cette sortie imprévue rendit Pozzo un moment si visiblement perplexe, que le Roi s’en aperçut aussitôt. Il s’ensuivit un court et pénible silence qui, selon l’avis de l’ambassadeur, dut prouver au Roi sa « naïveté. »

Le comte attira ensuite, dans un langage plein de gravité, l’attention sérieuse du Roi sur l’attitude de son ambassadeur à Constantinople, et ces déclarations firent une profonde impression. « Dans le cas, » dit l’ambassadeur, « où une escadre française passerait les Dardanelles, Sa Majesté Impériale regarderait ce fait comme un acte d’hostilité contre la Russie. » Le Roi ne put dissimuler son étonnement et répondit : « Comment, si fort que cela ? » à quoi l’ambassadeur répondit : « Exactement, sire. »

Cette conversation intéressante se termina par de nouvelles assurances du Roi qu’il n’avait aucune intention de porter atteinte à la paix de l’Europe et qu’il ne désirait que la